En ce printemps où un vent de nostalgie nous ramène les Petula Clark, Enrico Macias, Michel Fugain et Nana Mouskouri, il y a aussi le Corse Petru Guelfucci qui, après des années d’absence, s’offrait, samedi soir, rien de moins que la Maison symphonique ! «Qu’est ce qui vous a pris de venir si nombreux?» lance-t-il à la blague et le tour est joué; on retrouve Petru comme un vieil ami avec qui tout se rallume en quelques minutes, comme si on s’était vu la veille. Non seulement il avait visiblement envie de revenir au Québec, mais on constate que l’artiste n’a pas oublié ceux qui lui ont ouvert des portes, ici. Le voilà qui remercie Joel Le Bigot d’avoir été le premier à présenter Corsica à la radio, il y a plus d’un quart de siècle. Les yeux scintillants, Petru est aussi reconnaissant envers Francis Cabrel dont l’intervention auprès du producteur Paul Dupont-Hébert est à l’origine de cette visite presque inespérée des Guelfucci.
Oui vous avez bien lu des Guelfucci. En effet, cette fois-ci, fiston Petru Santu Guelfucci est du voyage. Il officie d’abord comme choriste pour son père qui lui cédera la scène, en soulignant avec un brin d’ironie que le jeune homme a enregistré son propre album sans demander un seul conseil à son père. Petru Santu a une voix magnifique et chante principalement en corse avec une chaleur et une assurance telles que le public venu pour le père le découvre avec enchantement. «Vous l’avez adopté!» lance papa Petru avec fierté.
Au retour de l’entracte, c’est la tant attendue Corsica, après quoi notre sarcastique visiteur dira: «Vous étiez venus pour celle-là? Vous pouvez partir maintenant!» Bien sûr que personne n’est parti et heureusement car la soirée nous réservait encore ses moments les plus forts. Homme de gratitude, Petru Guelfucci a eu la très bonne idée de souligner au public que son claviériste, Christophe Mac Daniel est aussi le compositeur de Corsica. Toute la salle se lève pour ovationner le musicien ému.
Petru s’explique un peu sur sa longue absence. Il a eu des problèmes avec ses cordes vocales. D’ailleurs, même si sa voix demeure sensiblement la même, elle n’est parfois pas aussi juste que ce qu’on entend sur ses disques. Mais ses musiciens (guitare, basse, violon, piano) et son choriste portent toujours le chanteur dont la voix reste à l’avant-plan dans une excellente sonorisation.
Puisque nous sommes en famille, Petru nous demande de chanter en corse sur Canta incu me et on chante du balcon au parterre!
Nous aurons droit à de trop rares moments de polyphonies corses dans ce concert. Mais bon, on ne peut pas tout faire en un soir et Petru a beaucoup à dire, lui qui visite les écoles de son pays pour sensibiliser les jeunes à la beauté des chants corses. Petru, président de l’association « Cantu in paghjella », fut, en effet, d’une longue bataille afin d’obtenir l’inscription, en 2009, de cette forme de chant profane et liturgique, sur la liste de sauvegarde d’urgence par le Comité intergouvernemental de l’Unesco.
L’émotion atteint un nouveau sommet lorsque le père et le fils entonnent Quand les hommes vivront d’amour en corse; ils sont ensuite rejoints par Luce Dufault et tous les trois chantent en français cette indémodable chanson de Raymond Lévesque.
Puis, papa laisse fiston et Luce interpréter La Chanson Des Vieux Amants de Brel à la mémoire de Maurane qui avait justement inclus ce classique dans son ultime tour de chant, le 6 mai dernier.
Rien n’aura été oublié. Émotions, larmes, rires. Nous aurions pu passer la nuit entière à la Maison symphonique.