Après avoir vu Comment je suis devenu musulman, une première constatation s’impose pour mon ami qui a été professeur de théâtre pendant 25 ans et moi: c’est qu’il faut être un auteur de talent pour arriver à faire rire le public avec des sujets aussi épineux que les religions et même la mort. Simon Boudreault qui nous a déjà secoués avec As is (tel quel) et En cas de pluie, aucun remboursement se fait encore plus audacieux.
Mariam (Sounia Balha), musulmane, est enceinte de Jean-François (Benoit Drouin-Germain), catholique et ils ne sont pas mariés. Ils ont beau vivre au Québec, les parents marocains de la jeune femme s’inquiètent. Que vont-dire les gens si l’enfant naît hors mariage? Non seulement ils veulent que le couple s’unisse officiellement, mais ils réclament un mariage musulman.
Jean-François, accommodant, acceptera même de se soumettre à une séance éclair de «conversion» à l’Islam. Le jeune homme et sa dulcinée ne sont pas pratiquants, mais ils sont prêts à jouer le jeu pour acheter la paix. Les parents marocains en sont bien conscients et ils reconnaissent volontiers que, pour eux, les apparences priment et qu’il n’est pas toujours souhaitable d’aller au fond de ce qu’on appelle «la vérité».
Des échanges hilarants s’ensuivent entre les deux familles, au moment de discuter de l’organisation du mariage. Y-aura-t-il de l’alcool ? Les Marocains n’en veulent pas! Faudrait-il des rigodons pour donner un peu de couleur québécoise à la rencontre? Nabila Ben Youssef et Manuel Tadros d’un côté, Michel Laperrière et Marie Michaud de l’autre, se livrent à un chassé-croisé de haute voltige! On a aussi droit à quelques apartés dont un quiz désopilant où les participants sont appelés à dire quelle religion est associée à la citation qu’on nous lit.
Puis, arrive le grand jour et le marié constate qu’il n’est en quelque sorte qu’un faire-valoir, qui doit attendre en retrait pendant que sa femme enfile de nouvelles robes qu’elle viendra montrer aux invités. Une réalité masculine rarement exprimée.
Du rire aux larmes
Parallèlement à tout cela, la mère du marié (Marie Michaud), gravement malade, sait qu’elle va mourir et elle prépare sa sortie avec l’aide de son fils. Sera-t-elle exposée? Y-aura-t-il des funérailles? Encore là, des sujets liés à la religion qui donnent lieu à des répliques à faire éclater de rire. Puis, dans un moment de grande émotion, la malade cherche du réconfort en écoutant son fils lui raconter une histoire de petit garçon qui sait qu’il a perdu quelque chose de très important mais n’arrive pas à dire quoi exactement. Le jeune homme s’interrompt et constate avec effroi que sa mère s’est endormie définitivement.
Du rythme
Pendant près de deux heures sans entracte, on est captivé par les échanges de ces personnages si touchants, grâce à ces six excellents comédiens. Les rebondissements se multiplient et le rythme est soutenu, malgré les manipulations plutôt fréquentes et agaçantes des rideaux et des meubles. En résumé, on rit et on réfléchit. Il n’y a ni méchants, ni bons, mais des gens différents qui cherchent et qui trouvent un terrain d’entente si imparfait soit-il.
Comment je suis devenu musulman à La Licorne, jusqu’au 21 avril. https://theatrelalicorne.com
Texte et mise en scène Simon Boudreault
Avec Sounia Balha, Nabila Ben Youssef, Benoît Drouin-Germain, Michel Laperrière, Marie Michaud etManuel Tadros