Si un jour vous allez au Sacromonte, en Andalousie, vous verrez sur une muraille quelque part cette inscription: « Passé ce mur, plus rien n’est garanti. »
Les artistes de la compagnie Noche Flamenca ont pris ce risque, au sens figuré, pour nous. Tous musiciens à leur façon, utilisant parfois des instruments que l’on appelle voix, pieds, mains, corps, guitare, cajón, ils nous ont livré un spectacle de qualité incroyable !
Ne devient pas danseur de flamenco qui veut, mais qui peut. Qui peut se lancer dans le vide avec comme unique filet la foi. Qui peut accepter de danser avec les ombres. Qui peut se confronter avec celles-ci et avec les émotions fortes qu’elles suscitent, seuls outils permettant de trouver l’essence authentique de toutes choses.
Soledad Barrio peut !
Son talent et son expérience font en sorte qu’elle puisse mettre sa virtuosité technique au service de ses passions. C’est probablement le plus grand défi artistique de tout artiste professionnel que de ne pas perdre sa vivacité, son feu, au profit de la technique. Ce n’est pas le cas pour Soledad Barrio qui utilise sa technique pour donner des lignes directrices à ses passions, afin de leur permettre de s’exprimer, de prendre corps à l’extérieur du sien, dans l’espace.
J’ai apprécié énormément les choix minimalistes du chorégraphe Martìn Santangelo, ainsi que sa décision de préserver la couleur personnelle de chaque interprète, qu’il soit musicien, chanteur ou danseur.
En travaillant à l’inverse de l’uniformisation, il a obtenu un résultat contrasté, rempli de textures, d’images et surtout, il nous a permis d’avoir une vue sur les jardins secrets des artistes qui ont su trouver comment être à la fois, différents et ensemble.
Ceci nous démontre la grande maturité artistique du chorégraphe qui a su donner l’espace et la liberté aux autres artistes d’être. Quel bel exemple de respect de la diversité !
Le chorégraphe est revenu nous visiter à Montréal pour nous présenter sa dernière création « La Ronde » en première partie du spectacle. Quoique j’aie beaucoup apprécié les superbes images évoquées, les propositions chorégraphiques de « La Ronde » sont encore jeunes. La recherche au niveau du vocabulaire chorégraphique est merveilleuse, originale, contemporaine. Toutefois, à mon avis, le concept de circularité relié au thème aurait pu être exploré plus en profondeur et être plus intégré aux chorégraphies, à la mise en scène, aux déplacements et aux transitions, à la musique même. Un questionnement quant à l’usage de la répétition pourrait générer des pistes nouvelles pour relier le thème davantage au résultat visuel performatif obtenu.
Ce qui est délicieux, tant dans la première partie que dans la deuxième partie, plus traditionnelle, c’est l’intégration de l’humour à la danse et à l’univers du flamenco, ce qui a d’ailleurs charmé tout le public. L’intégration de l’humour à la danse est probablement un des plus grands défis artistiques qui soit. Le chorégraphe et les danseurs peuvent cocher la case « réussi avec brio».
Le théâtre complet s’est tout simplement levé pour applaudir les artistes à la fin du spectacle, comme quoi l’authenticité et le talent ne peuvent passer inaperçus. ¡Olé !