Le Petit Théâtre du Nord qui célèbre ses 20 ans a su se démarquer en présentant de nouveaux textes d’auteurs d’ici, ce qui est plutôt rare au théâtre d’été. Certaines de ces créations se sont d’ailleurs frayées un chemin jusqu’à Montréal. On pense, entre autres, à En cas de pluie, aucun remboursement de Simon Boudreault, qui après avoir vu le jour à Blainville en 2015, a été reprise l’année suivante chez Duceppe.
Cette année, on a fait appel à l’auteur François Archambault qui en est à sa quatrième pièce pour le PTN avec Quelque chose comme une grande famille. Bien sûr, ce titre se veut un écho à la fameuse déclaration de René Lévesque, le 15 novembre 1976, au soir de sa première élection comme premier ministre: «…on est peut-être quelque chose comme un grand peuple! »
Archambault a le mérite de nous rappeler d’importants moments de notre histoire en nous ramenant à l’année 1982, alors que le gouvernement Lévesque a essuyé l’échec d’un premier référendum sur la souveraineté (1980) et doit composer avec une crise économique d’envergure. La situation est telle que les péquistes s’en prennent à un large bassin de leurs électeurs en décidant d’imposer les salaires des employés de l’état, notamment, ceux des enseignants.
Or, deux des piliers de Quelque chose comme une grande famille sont justement une infirmière (Claire) et un professeur de cégep (Marcel). Le couple ne ménagera pas ses efforts pour aider la soeur de Claire (Monique) et son mari (Gilles) qui vient d’écoper des mises à pied massives chez General Motors à Boisbriand. Déjà là, on peut se demander s’il y a ici matière à comédie.
Mais, la pièce prend une tournure encore plus douteuse, lorsque Marcel, indépendantiste convaincu, reçoit en cadeau une photo de René Lévesque qui parle! C’est ainsi que chaque personnage aura sa petite conversation avec René appelé, notamment, à expliquer ce qu’il voulait dire par «…on est peut-être quelque chose comme un grand peuple! » Une explication qui ne viendra pas.
Puis une autre soeur de Claire (Dorothée) qui a soudainement quitté son mari et ses enfants est hébergée chez Claire et Marcel. La nouvelle locataire semble intéressée à ses beaux-frères. Tous les cinq entreront tour à tour en conversation avec la photo de René pour parler de fidélité, d’homme à femmes. etc. Ajoutons que les dialogues se font avec une voix enregistrée fort ressemblante de celle de René Lévesque. Mais pourquoi mêler cette icône politique à pareilles questions ? Pourquoi faire de René Lévesque une sorte de conseiller matrimonial ? En quoi cela pourrait-il être drôle ?
Physical
Si Archambault trouve le tour de rappeler à notre mémoire, à travers des citations, des oeuvres québécoises d’envergure (L’homme rapaillé de Gaston Miron et le film Les Plouffe), il bifurque vers une voie franchement embarrassante. En présence de la photo de René Lévesque, les cinq personnages décident de regarder ensemble un film porno. À travers leurs regards, on devine les scènes osées et tous se lancent dans une chorégraphie de fortune sur la chanson Physical interprétée par Olivia Newton-John. Et René Lévesque qui semble témoin de tout cela… Malaise.
Dur à croire
Comment l’auteur de La société des loisirs et de Tu te souviendras de moi a-t-il pu glisser à ce point ? Si les comédiens offrent des performances honnêtes, il n’en reste pas moins que la mise en scène est archi-prévisible et que le personnage de Dorothée, entre autres, est à bien des égards invraisemblable. Cette femme quitte son mari et ses enfants du jour au lendemain et ne ressent le besoin de revoir aucun d’entre eux, même s’ils vivent à proximité. Aussi, après avoir vaguement dragué l’un de ses beaux-frères et s’être laissée courtiser par l’autre, on apprend qu’elle est en amour avec une femme et le reste de la famille ne semble même pas étonné.
Des gens heureux ?
Pour terminer, la fille de Claire nous dit qu’elle a hérité de la photo de René Lévesque à la mort de son père. Elle ajoute qu’elle ne sait pas encore ce qu’elle en fera, mais qu’elle ne peut s’en débarrasser car René fait en quelque sorte partie de sa famille. On fait alors entendre la magnifique chanson thème du film Les Plouffe dont les paroles semblent détonner après deux heures passées à faire en quelque sorte le procès de René Lévesque ainsi que du fédéralisme canadien: «Il était une fois des gens heureux C’était en des temps plus silencieuxParlez à ceux qui s’en souviennent … ça disait toujours « le monde est beau »»
En résumé, merci pour les rappels historiques, mais à force de mélanger les registres, on banalise l’histoire.
Photo: François Larivière