Vingt-trois miniatures étaient au programme de récital ( j’inclus les deux ajouts de mazurkas) du pianiste arménien Serge Babayan à la Salle Bourgie, amphithéâtre d’ancienne église archi comble de mélomanes pendus à chacun de ses gestes, mercredi soir 5 décembre. Au menu dévorant : du Rameau, du Chopin, du Bach. Tout était enchaîné pratiquement sans aucune pause pour le recueillement pourtant nécessaire entre ces pièces d’esprits fort différents. Qu’importe, le pianiste débite tout ça par cœur à la vitesse de l’éclair tant pour les changements d’ambiance que de forme musicale entre un prélude, une ouverture ou une sinfonia. Je n’ai assisté véritablement qu’aux interprétations des œuvres de Bach soit toute la seconde partie du récital.
D’emblée, une impressionnante présence scénique, comme celle de Grigori Sokolov et une énergie de destrier à la Andreï Gavrilov, l’élève de Svjatoslav Richter! Mais quelle palette sonore, quelle aisance dans la dextérité, quelle finesse de tempérament! Même si c’est souvent trop vite, presque bousculé certains diraient garroché. Enfin, il récite dans cette minuscule salle avec le son à déployer dans une salle de trois mille places et je n’ai de reproches pour son Bach qu’un surprenant manque d’intériorité. Les clavecinistes auraient certainement de
quoi redire sur son ornementation en plus que Rameau était à son programme avant Bach. Je me redéplacerais tout de même pour l’entendre, mais en espion ou en clandestin, quelque part où il ne jouerait que pour lui-même, à l’abri du regard public qui le louange probablement trop des plus grands éloges. Le génie ne bouscule cependant pas les œuvres en les agglomérant comme ça. N’empêche, tout un personnage
colossal.