Elle a surgi sans crier gare la déferlante Vianney. Elle s’est déployée à dimension humaine. Fédératrice et populaire. Saine et noble. Une montée en puissance crescendo s’étalant sur deux années aussi riches que pleines et érigeant Vianney en nouveau petit prince de la chanson française. Après avoir été sacré « Artiste masculin de l’année » au dernières Victoires de la musique et avant de voir une de ses chansons incluse sur le dernier album de Céline Dion, il est débarqué aux Francofolies de Montréal en juin dernier pour enfin présenter aux Québécois Idées Blanches – l’album qui a tout déclenché – en plus de revenir au Québec cet automne pour présenter des spectacles à Montréal et Québec.
Donc Vianney. Titre éponyme à paraître le 25 novembre chez Tôt ou Tard. Parce qu’il ne se cache pas derrière un masque. Parce qu’il ne joue pas un personnage. Écriture du ressenti, autobiographique. À ne pas confondre avec nombriliste. Sa force est celle de toucher à l’universalité, d’offrir une sorte d’effet miroir. Cette collection de titres ne déroge pas à ce cheminement. Disque de continuité, organique, impulsé par une autre rupture amoureuse. « Elle a vraiment été influente. Pendant des mois, j’avançais difficilement sur certaines chansons qui étaient particulièrement sensibles ». En ouverture, Sans le dire, morceau hautement significatif autour de la pudeur de la souffrance et qui annonce l’habillage musical de l’ensemble.
Donc les chansons. D’une belle fluidité et à l’intensité galopante. Amours anxieux, contrariés où le départ se révèle indispensable (Je m’en vais), la sentence couperet (Oublie-moi et sa superposition de chœurs androgynes réalisée par le chanteur lui-même), la déception palpable (Tombe la neige dans laquelle la rythmique des mots sonne comme une percussion) et la fatalité optimiste (Je m’en fous). Échappée à la Mathieu Boogaerts où il se joue délectablement du verbe (Moi aimer toi), complexes pour lesquels il a appris à prendre de la distance (Dumbo et sa mélodie chaloupée), appel à l’abnégation qui prend la forme d’une supplique et se termine dans un final épique (Le fils à papa), pardon anticipé aux générations futures sur nos modes de consommation (Quand je serai père) convocation du carpe diem sentimental sur un élégant lit de piano (Le galopin).
Et puis, il y a un morceau qui secoue et invite à poser un genou à terre. Il s’appelle L’homme et l’âme et fait initialement écho aux événements tragiques du 13 novembre. « J’avais envie d’écrire quelque chose suite à ça mais ça ne sortait pas vraiment. J’avais juste une petite mélodie. Fin juin j’arrangeais mes chansons, seul dans mon salon. Au moment d’une pause, il y a une phrase qui m’est venue et qui disait : Et si l’âme est chère à l’homme/Souvent l’homme chérit la lame/Là où l’homme a mis la lame/L’âme a mis les voiles. Je me couche là-dessus, le lendemain je fais pratiquement la chanson. Ce jour-là, le père Hamel se fait égorger. J’étais terrassé, j’y ai vu un signe ».
Vianney sonde nos âmes. Amoureuses ou conscientes. Garçon accompli, tourné vers le sentiment et en éveil sur le monde qui l’entoure.
Donc le nouveau chapitre seulement une petite poignée de mois depuis la fin de sa tournée et voilà déjà Vianney de retour aux affaires. Personne n’aurait anticipé un enchaînement aussi rapide. « Je ne me pose pas de questions. Bien que je ne supporte pas l’inactivité, les choses se sont faites naturellement. Il ne faut pas essayer de contrôler ça et juste laisser sortir les chansons ». Nul besoin chez lui de s’adonner à une période d’écriture, cette gymnastique est quasi-quotidienne. Gommant et retravaillant à la pointe fine, sans relâche. Une démarche méticuleuse. « Dès la sortie de mon premier disque, je n’ai cessé d’écrire un peu partout c’est-à-dire dans ma chambre, dans le tour bus, dans les loges. Je suis parti du principe que je n’écrivais pas un album mais des chansons. J’ai toujours une dizaine de textes et je passe de l’une à l’autre. La chanson, je la tords, la découpe, je la modifie. Il y a dans cet exercice-là un degré d’exigence, un côté toujours insatisfait. Je suis assez impitoyable avec cela ». Ce qui frappe, c’est cette force tranquille épatante pour quelqu’un de sa génération.