Le nouveau spectacle de Daniel Lavoie est un véritable voyage dans l’univers poétique du célèbre Franco-Manitobain, dont les refrains nous habitent depuis une cinquantaine d’années. Ils s’aiment, Je voudrais voir New York, Qui sait, etc., l’élégant septuagénaire à la voix toujours puissante les reprend dans de somptueux arrangements. Plus encore, il délaisse son piano pour les interpréter debout au milieu de la scène, en regardant le public droit dans les yeux.
Sur des accords jazzés, joués par le pianiste Jean-François Groulx, le chanteur s’avance tout doucement sur la scène de la Salle Wilfrid-Pelletier en interprétant son tout premier succès, J’ai quitté mon île (1975). Il enchaîne avec la majestueuse Jours de plaine. Déjà, avec ces refrains d’exil et de survivance, c’est un peu notre histoire qu’il nous raconte, à travers la sienne.
Je ne pensais plus faire de spectacles et «disparaître dans les plis d’une soutane», blague le célèbre interprète de Frollo de Notre-Dame de Paris. Mais, la persévérance du producteur Martin Leclerc l’aura convaincu de souligner les 40 ans de l’album Tension Attention, dont il n’interprètera toutefois que deux pièces.
Il faut dire que l’auteur-compositeur a l’embarras du choix! La danse du smatte, Dans l’temps des animaux, Où la route mène, etc., on sent que Lavoie s’est entouré d’une équipe de musiciens qu’il a en très haute estime, à commencer par le directeur musical Jean-François Groulx. On y retrouve le contrebassiste Mathieu Désy, le percussionniste Laurent Guardo et le batteur Paul Brochu (Uzeb). «Je lui dis souvent qu’il est le meilleur batteur au monde et il ne me contredit pas», souligne Lavoie admiratif et espiègle.
En plus d’ajouter leurs couleurs aux chansons, grâce à des arrangements vocaux imaginatifs, les choristes Karine Pion et Émilie Pompa deviennent solistes aux côtés de Lavoie, dans une interprétation de Belle qui n’a toutefois pas la puissance du trio masculin de la comédie musicale de Cocciante et Plamondon.
Ce n’est qu’en fin de soirée que le nom officiel du spectacle prend son sens. On aura d’abord droit à la chanson-titre de l’album Tension Attention, qui a propulsé la carrière de Lavoie en 1983, suivie de la gigantesque Ils s’aiment. D’abord assis au piano, Lavoie exprime avec une certaine retenue la candeur de ceux qui s’aiment tout hésitants Découvrant l’amour et découvrant le temps, comme s’il s’agissait du calme avant la tempête.
Puis, dans un élan théâtral d’une grande efficacité, l’artiste qui est aussi comédien, quitte son instrument et s’installe au milieu de la scène pour livrer, debout, la finale à la fois dramatique et romantique: Et si tout doit sauter S’écrouler sous nos pieds… Laissons-les s’aimer. Interprétation magistrale! Grande émotion! Grande ovation!
Cela dit, nous étions sans doute nombreux à espérer d’autres titres de cet album, dont Ravi de te revoir et Le métro n’attend pas mais, Daniel estime que ces pièces étaient «oubliables». Il n’a voulu garder que «celles qui se sont frayées un chemin jusqu’à votre coeur.»
Au rappel, Nantucket et la reprise de quelques mesures de J’ai quitté mon île pour boucler la boucle de ce concert de près de deux heures. La plupart des chansons au programme sont des ballades, ce qui n’empêche pas le spectacle d’être dynamique grâce, entre autres, aux harmonieux déplacements des chanteurs imaginés par le metteur en scène Michel Poirier. Visiblement serein et en pleine possession de ses moyens, Lavoie est à son meilleur!
En première partie, l’auteure-compositrice-interprète Sylvie Paquette qui a enregistré sept albums en près de trente ans de carrière, a interprété quelques-unes de ses pièces dont un poème d’Anne Hébert qu’elle a mis en musique. La chanteuse a aussi repris Ton Visage de Ferland, tout en racontant avec humour sa rencontre avec René Angélil et Céline Dion sur un plateau de télé, bien avant que cette dernière ne devienne La diva de Charlemagne. Sympathique. Mais, les années passent et Sylvie Paquette demeure brouillonne et hésitante, même dans une soirée de cette envergure. Dommage.
La tournée Tension Attention s’arrêtera à Québec, à la Salle Albert-Rousseau, le 30 avril et à L’Étoile de Brossard, le 18 mai.