L’Opéra de Montréal fait preuve d’audace avec Ainadamar présenté à la Place des Arts, jusqu’à samedi. Cette partition du compositeur argentin Osvaldo Golijov évoque la vie du dramaturge espagnol Federico Garcia Lorca, en intégrant certains sons enregistrés et surtout de la musique de flamenco. Le Théâtre Maisonneuve était presque rempli, mardi soir, pour assister à cet opéra qui célèbre la liberté et l’immortalité de l’art.
Un spectacle essentiellement féminin
Ainadamar signifie la «fontaine de larmes» et fait référence à un lieu près duquel Lorca aurait été exécuté par les forces fascistes, en 1936. Golijov et son librettiste David Henry Hwang présentent le poète à travers des scènes dans lesquelles sa muse, l’actrice Margarita Xirgu, se souvient de sa relation avec Lorca.
Bien que ce dernier soit la figure centrale du récit, l’oeuvre est en fait une célébration du féminin. Le rôle principal est interprété avec grande intensité par la soprano canadienne Emily Dorn en Margarita qui transmet à sa disciple Nuria (Elizabeth Polese), son admiration pour Lorca.
Ce dernier est incarné par le contre-ténor Luigi Schifano, alors que le compositeur a plutôt écrit ce rôle pour une mezzo travestie. Ce dernier a si peu à chanter à comparer avec madame Dorn qu’on arrive difficilement à s’attacher à son personnage. Aux solistes s’ajoute un chœur entièrement féminin d’une vingtaine de personnes. Quant aux voix masculines, peu utilisées, elles sont largement associées aux gardes nationalistes incarnant la violence et l’oppression.
Sur la scène, déjà fort achalandée, s’amènent sporadiquement six danseuses de flamenco qui apportent une appréciable dose de rythme à cette musique aux ambiances andalouses. À leurs danses percussives s’ajoutent diverses séquences enregistrées dont des rafales de fusils qui se fondent en rythmes de flamenco. Le tout éclipse parfois le travail des musiciens de l’Orchestre symphonique de Montréal, dirigés par Nicole Paiement.
Bien sûr, les voix sont amplifiées et s’il y a eu des problèmes à ce niveau lors de la première du 18 mars, tout indique qu’ils ont été réglés. Cela dit, cet opéra est présenté avec une amplification comparable à celles des spectacles de musique populaire.
Mise en scène
Pour apprécier cette oeuvre dense, il est bon de lire les grandes lignes de la vie de Lorca avant de voir Ainadamar. On y évoque, entre autres, le poète écrivant sur la destinée de Mariana Peneda, héroïne espagnole qui a vécu une centaine d’années avant lui. C’est ainsi que la mémoire de cette femme, véritable icône de la liberté andalouse, s’est perpétuée au XXe siècle, grâce entre autres à Lorca, puis au XXIe siècle avec cet opéra, ce qui semble symboliser le cycle de l’immortalité de l’art. Tout cela n’est pas nécessairement facile à suivre.
Enfin, à travers diverses projections, des éclairages souvent flamboyants et les déplacements de la trentaine d’artistes de la distribution, le metteur en scène, Brian Staufenbiel, renouvelle continuellement la facture visuelle de ce spectacle d’environ 80 minutes qui sort des sentiers battus.
Ainadamar
Opéra d’Osvaldo Golijov sur un livret deDavid Henry Hwang
Avec : Emily Dorn (Margarita Xirgu) et Luigi Schifano (Federico Garcia Lorca), ainsi que Elizabeth Polese (Nuria), ainsi que Alfredo Tejada, Alain Coulombe, Jaime Sandoval et Geoffrey Schellenberg.
Orchestre symphonique de Montréal, Nicole Paiement (chef)
Participation du Choeur de l’Opéra de Montréal
Mise en scène: Brian Staufenbiel
Au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts
23 mars 2023 à 19 h 30, et le 26 mars 2023 à 14 h
*Au centre de la photo d’accueil : Luigi Schifano (Federico Garcia Lorca) et Emily Dorn (Margarita Xirgu)
Crédit: Hervé Leblay