Non, non…mon titre n’est pas tout à fait intraduisible (mais qu’ai-je pondu là?!). Il cherche à traduire la réflexion où je me suis plongé en m’amusant fort bien, comme tout l’innocent public invité de la première d’ailleurs, à seulement regarder et écouter agir les excellents jeunes comédiens d’une pièce qui ne fera probablement que faire rire! Ou du moins une pièce qui ne veut (ou qui ne voulut que…) que vouloir faire rire, en apparence. Mais d’un rire authentiquement de pure bonté de cœur, rassurez-vous. Enfin, je pense bien que c’est ça que de bien rire et que de bien penser rigoler.
Mon titre ne prétend pas être un proverbe
C’est pas un proverbe. Pas encore en tout cas. Ce n’est qu’un grand titre mystérieux voulant aborder le fond des choses et des rapports humains au monde ambiant. Je l’ai résumé ainsi car on s’attarde au Théâtre du Rideau Vert à vouloir évoquer la question du bien et du mal sur Terre entre soi-disants humains. Comme la pièce de théâtre montréalaise qui l’a fait naître, mon titre ne porte, qu’un tout petit peu « à faux ». Vraiment. Son titre à elle, la pièce? Faire le bien de François Archambault et Gabrielle Chapdelaine.
Mais qu’est-ce qu’on fait vraiment de bien sur Terre?
Et non, non, détrompez-vous, vous faites erreur sur mes intentions. Je ne voulais pas méduser quiconque. Mon titre n’a pas non plus une prétention autre que de marquer de mots un mystère entourant une douzaine de sketches de fiction. Mon titre veut parler du but et de l’effet de nos actes et nos paroles en apparence si bien intentionnées. Comme cette pièce.
Le bien et le mal…quelle rengaine au fond!
Nous y sommes encore comme si, nous trois (le bien, le mal et moi…ou vous?), nous ne nous étions jamais quittés! Sans qu’on sache le but final de notre présence ici bas qui nous permettrait d’ajuster nos gestes ou intentions d’actions à nos paroles et à mieux tout faire en fonction du but final. Mais non, bande d’ignorants, on est tous là à agir à l’aveuglette, sans connaître la finalité, devant le mal et le bien qu’on fait ou qu’on défait ou qu’on refait sans trop de méfaits.
Je me suis vraiment fait prendre
C’est un peu ce que je me suis dit et, hier soir, encore une fois, je me suis fait prendre à vouloir seulement m’amuser et je me suis mis à y penser. Penser à quoi ? Au bien et au mal. Comme dans la pièce Faire le bien. C’est un mystère que la véritable portée de nos actions et paroles humaines et les conséquences morales qu’on en tire! L’avortement, par exemple, juste pour rire, pour une farce, pour voir si vraiment tu le voulais, tu sais…
Ça fait peur l’intelligence quand elle nous échappe
Non, je n’ai pas peur du sens. Je ne suis pas un peureux. Pour preuve, par pure bonne volonté, si je traduis mon titre, ici, en anglais (vous savez? vous connaissez le pouvoir des mots de cette langue si aimée, si parlée, si préférée et si choyée des lycéens dits francophiles dans nos instruites cours d’école non intimidantes? ) eh bien si je traduis (vous dites si je google-translate c’est bien comme ça qu’on dit?) mon titre, il me donne, malgré tout le mal que je me suis fait à le semer et l’égarer, ce maudit traducteur invisible automatique, il me donne bien: Even if we want to do good, we will end up knowing how to do evil. Non mais ça m’a fait trembler. Il m’a eu! Un invisible a réussi à voir ce que je voulais prétendre bien faire, en voulant le perdre dans la brume sur mes intentions, et il a trouvé, Lui. Lui, l’intelligent artificieux mal semé par l’idiot que je suis.
Eurékà?
Ce n’est pas pour mal faire mais mon titre a voulu poser un grand défi à l’Intelligence artificielle (ou plutôt artificieuse?) de laquelle on prédit qu’Elle se croira, sous peu, progressivement déifiable et mieux capable de bientôt tout voir, tout comprendre, tout surmonter! Pour notre bien, bien entendu…même si le Mal est pavé de bonnes intentions. La pièce, de manière allusive, virevolte autour de ça pendant une heure quarante-cinq. Nos bien beaux malicieux artifices.
Une multitude de grands moments évocateurs
Pour moi qui me suis cassé la tête à lire, au moins douze fois, en soulignant, surlignant, commentant de marginalias multicolores et désormais décoratifs ce recommandable fameux splendide et éloquent Discours sur l’origine et les fondements de l’Inégalité parmi les Hommes de Jean-Jacques Rousseau, la pièce Faire le bien m’y a ramené. Décrété de prise de corps pour avoir publié coup sur coup, en deux jours, le Contrat Social et un révolutionnaire traité d’éducation des enfants POUR LE BIEN DE L’HUMANITÉ, Rousseau errera sous un faux nom, pourchassé dix ans de temps parce qu’il voulut l’affranchissement, l’égalité des citoyens, la liberté de la pensée, en somme il a attaqué la tyrannie bourbone.
Et Rousseau ne chassa pas le mal qui le poursuivit…oui, oui, au passé simple. Et seulement l’action solitaire d’herboriser et se promener dans la nature, abandonné de tous ses amis, le consoleront. Un certain Pavel s’est retrouvé en prison, à Paris, cette dernière semaine, au pays des Bourbons, pour je ne sais quel Télégramme conçu ou envoyé pour bien faire sans doute, comme un certain Australien, Julian quelque chose, quelque part à Londres, pendant dix ou douze ans. Il avait bien publié sur le Mal. D’autres suivront bien le cours de la vraie Justice pour le bien et contre le Mal. C’est clair. Je suis pas dupe! Quand bien même j’y prête le flanc!
Douze sketches d’une riche teneur pas toujours anodine
Si certains sketches de Faire le bien sont purement drôles voire innocents et divertissants entre les « Je t’avais pas dit que… » et les « Tu ne m’avais pas dit que… » le numéro final donne le bouillon sulfureux de la révolte actuelle de tous ceux qui suivent l’actualité mondiale si masquée si tronquée. L’actualité philosophique s’entend, si déformée si mal rapportée si bien déguisée et lâchement travestie pour faire vraie. Affublée de mensonges notre réalité actuelle des massacres et viols pour le bien d’une seule partie, enfin notre pain quotidien de guerres fraternelles (pour le bien ultime de l’Autre si spécial, on se tue à faire le nécessaire) justifiables avec des mots. L’Autre comme vermine infernale à exterminer au menu du jour du Proche-Orient ou du Congo ou du Sahel ou du Darfour ou du Yemen – ces ailleurs-. Vive le Québec!
Une volcanique ironie finale cinglante, et vlan!
Mais surtout, écoutez-moi bien, oui, la pièce se termine par un chœur à la grecque. Elle se termine en entonnant plus ou moins ce cri sommant le mal: « jouir de ce monde avant que ce soit fini, nous consommerons tout et nous nous consumerons, tous, nous avalerons la Terre entièrement ».
Parfois on rit jaune…mais pas pour mal faire…
L’artificieuse intelligence humaine à vouloir bien parler (en bien ou en mal) des bonnes et belles choses mal perçues n’a d’égal que la vertueuse rhétorique de ceux qui guérissent le mal par le bien proclamé en chaire religieuse ou politique ou médiatique. Personne ne vérifiant rien rigoureusement (les fake fact-checkers? c’est bien ça?) , ou qualifiant arbitrairement de mal ceci ou cela et de déformant et de désinformant (mésinformation, désinformation, mal-information) ou de néfaste ceci ou cela. Enfin ce qui devrait être su pour comprendre vraiment « ce qui ne doit pas être révélé ». Au fond, vaut bien mieux en rire! C’est pas bien de tout mal savoir! Vaut peut-être mieux tout ignorer.
Est-ce une vraie dérision que de vouloir Faire le bien?
Je suis donc sorti, sans trop m’en rendre compte, la tête remplie d’équivoques une fois imprégné de l’interrogante pièce divertissante intitulée Faire le bien où tout le monde est bon et toute la pièce est bien. Mais est-ce bien du divertissement pur que ce qui ouvre la saison 2024-2025 du Théâtre du Rideau Vert? Je me suis surpris à vouloir comprendre la finalité du Verbe et de ladite Providence nous guidant, j’espère, en gestes et en paroles, quoique tous remplis d’équivoques. Les artifices de notre intelligence nous font parler qu’on agit mal, parfois, en apparence, mais que c’est pour notre ou votre bien. À bien voir et à bien suivre sur la scène du Rideau Vert.
Faire le bien
Une coproduction du Théâtre du Rideau Vert et du Théâtre français du Centre national des Arts
Une création de François Archambault et Gabrielle Chapdelaine
Mise en scène Claude Poissant
Avec
Eve Landry
Xavier Bergeron
Anaelle Boily-Talbot
Mehdi Boumalki
Simon Champagne
Christophe Levac
Elizabeth Mageren
Charlotte Richer
Léa Roy
Crédit photos : ©David Ospina.