Dans le cadre de sa tournée 5 minutes au paradis, Bernard Lavilliers a fait une escale à Montréal. Comme un ami qui part et revient nous faire ses récits de voyage. Oui, son quotidien est fait d’exceptions et même après 50 ans de carrière, il est n’est pas question qu’il se pose. Ça tombe bien : ils sont nombreux à vouloir le suivre encore longtemps.
Comprenez-moi bien, je ne serai pas objective : oui, M. Lavilliers est un de ces chanteurs que je respecte et la légende ou plutôt, les légendes qui circulent à son sujet, ont bien évidemment servi cette idéalisation. Le cliché du baroudeur musculeux, traversant à la machette la forêt amazonienne en quête d’histoires fabuleuses, n’est pas prête de s’éteindre. Ceci dit, lorsque l’homme est sur scène, il n’a pas besoin d’en faire des tonnes. Son univers nous paraît inaccessible, lui qui a fait dix fois le tour de la terre, mais lorsqu’il nous raconte ses rencontres, ses inspirations, ses drames, tout est sincérité et admiration.
Oh bien sûr, il entretient un jardin secret que bien peu de gens peuvent se targuer d’avoir visité : ainsi, nous n’en serons pas plus sur son voyage en Irlande ou sur son séjour en prison. Un mythe, ça s’entretient.
En deux heures, il a résumé sa carrière et a fini de convaincre même les moins érudits. Un segment rock, histoire de rallier le plus grand nombre, et dès la deuxième partie, une incursion dans le reggae avec Stand the ghetto. C’est à ce moment que les plus nostalgiques ont commencé à être les plus bruyants.
Chanteur, poète, conteur, mais aussi et avant tout musicien, amoureux des rythmes tropicaux : c’est au Brésil qu’il est parti à vingt ans pour apprendre ses riffs de guitare, et c’est avec Fortaleza que le silence s’est fait. Un tabouret, une guitare, un passionné, il n’en faut souvent pas plus…
La dernière partie a fait honneur à ses classiques : Traffic, Idées noires – pour l’occasion, il avait la chance d’avoir 2500 Nicoletta pour l’accompagner – La salsa… Tout le monde attendait Noir et blanc, le hit absolu, mais une chanson évoquant l’apartheid a sans doute besoin d’un contexte plus solennel.
L’homme est aussi révolutionnaire, dénonciateur. Celui qui a déjà répondu à l’ancien président français François Mitterrand : « Je chante des causes perdues sur des musiques tropicales », est certes moins militant, mais n’a pas manqué de montrer son indignation face au dossier Bombardier ici, et le navire Aquarius en Europe.
Malgré tout, Bernard Lavilliers insiste pour dire que ses chansons ont toujours une lueur d’espoir, mais force est de constater que 40 ans plus tard, le portrait peu flatteur qu’elles dressent de l’humanité est toujours d’actualité.
Espoir peut-être… mélancolie sûrement. Que l’aura de mystère continue de planer sur l’un des derniers piliers de la chanson française.