La nouvelle pièce de Rébecca Déraspe s’attarde à un phénomène plus ou moins connu, mais courant : la disparition volontaire. Par exemple, au Japon, on estime qu’environ 100 000 personnes disparaissent de leur plein gré, annuellement. Ceux qui se sont évaporés raconte surtout l’histoire d’Emma, une femme apparemment sans problèmes, qui quitte son conjoint et leur fillette, sans aucune explication. Pourquoi disparaître volontairement ? Comment les proches des «disparus» peuvent-ils vivre avec leur absence inexpliquée ? Une histoire dense, troublante et vraisemblable.
Rassemblés dans un décor qui pourrait être celui d’une salle communautaire, les personnages tentent de comprendre la disparition d’Emma. Ils ont tout l’espace pour traduire leurs questionnements en mouvements, entre autres, lorsque Tatiana Zinga Botao tente d’exprimer la disparition d’Emma à travers une sorte de pas de danse.
Josée Deschênes est bouleversante en mère qui refuse de croire que sa fille est disparue délibérément. Elle est convaincue qu’Emma est tombée entre des mains criminelles mais, les enquêteurs affirment que non. Alors, la famille voudrait s’attacher, au moins, à quelques fragments de vérité. Entre autres, on tente de déterminer à quel moment la jeune femme a pris la décision de changer d’identité ?
Le poids des attentes
La «disparue» est aussi sur scène. Geneviève Boivin-Roussy est convaincante dans ce rôle de femme douce et angoissée qui n’en pouvait plus de sa vie programmée et des attentes de son entourage qui la voyait comme une infirmière travaillante, une maman dévouée et reconnaissante envers ses bons parents, etc.
D’autres disparus se manifestent brièvement dont Rose, incarnée par Élisabeth Chouvalidzé. Elle raconte avoir fait le saut, à une époque où c’était plus facile de disparaître, puisque tout était alors au nom de son mari. Des années plus tard, elle est allée s’excuser à la pierre tombale de ce dernier.
Tous ces points de vue sont riches et l’émotion atteint un sommet lors de la rencontre d’Emma avec sa fille devenue adolescente. Éléonore Loiselle joue avec brio cette scène tendue où mère et fille s’observent à distance. Parviendront-elles à se rapprocher ?
Personnages délaissés
L’autrice s’intéresse aux femmes et ses personnages masculins sont très peu développés. Par exemple, on ne cherche pas à comprendre comment le mari d’Emma, Reda Guerinik, vit le choc du départ de sa conjointe. Nina n’en dira que quelques mots vers la fin de la pièce, soulignant avec détachement qu’il a été un père courageux. On ne s’attarde pas davantage aux états d’âme du père d’Emma, Vincent Graton, dont le rôle est essentiellement de consoler sa femme (Josée Deschênes). On quitte la salle avec l’impression que seule la souffrance féminine mérite d’être exprimée. Regrettable.
Malgré des bémols, cette pièce d’une heure 50 sans entracte qui gagnerait à être resserrée, demeure puissante. La mise en scène attentive de Sylvain Bélanger colle bien aux propos souvent tourmentés de Ceux qui se sont évaporés.
Ceux qui se sont évaporés
Texte : Rébecca Déraspe
Mise en scène : Sylvain Bélanger
Avec : Geneviève Boivin-Roussy, Élisabeth Chouvalidzé, Josée Deschênes, Vincent Graton, Reda Guerinik, Éléonore Loiselle, Maxime Robin et Tatiana Zinga Botao
Au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, jusqu’au 28 mars 2020
Crédit photo : Valérie Remise
Maxime Robin, Geneviève Boivin-Roussy, Tatiana Zinga Botao