Le Malambo puise ses origines dans la tradition des Gauchos, ces cavaliers qui gardent les troupeaux dans les grandes plaines. Armés de bombos (tambours en bois et en peau) et de boleadoras (lassos munis de boules de bois aux extrémités), cette danse exclusivement masculine, a rallié de nouveaux adeptes, vendredi à la Place des Arts.
La troupe Che Malambo bénéficiait déjà de beaucoup de fans dans la salle, bien au fait du clou de leur numéro, prévu en deuxième partie. Tout de noir vêtus, vifs, campés dans leurs bottillons et munis de leurs tambours, les danseurs ont fait une entrée bien sentie, avec percussions et cris hargneux pour imposer leur rythme. Entre précision extrême et coups secs, les gaillards n’ont besoin d’aucun autre artifice scénique pour faire valoir leur art. Hormis quelques subtils changements de lumière, ils évoluent dans un espace épuré, qui laisse une large place à leurs mouvements.
Cette entrée en matière, ô combien énergique, est suivie d’une phase de duels, qui sera le seul point faible du spectacle. Torses bombés et regards caliente, les danseurs font aller les clichés pour illustrer – dans sa plus pure tradition – le macho argentin. Si la prestation technique demeure impressionnante, cette partie ne mobilise que quelques danseurs et s’éternise sur un temps un peu trop long, manquant de nous faire perdre l’intérêt si vivement suscité au départ. Après quelques battles entre 2, 4 et 6 danseurs, on revient dans le vif du sujet.
Et les fameux boleadoras qui – il faut bien le dire – valaient l’attente. Ambivalents, ces lassos frappés au sol créent un rythme supplémentaire, qui vient se superposer à celui imposé par les pieds des danseurs. D’ailleurs, grâce à eux, les danseurs mêmes seuls, sont capables d’occuper la scène par leur présence et leur rythme avec un charisme qui sort des sentiers battus. Ce lasso en tournoyant en l’air, forme un disque lumineux, qui tel un champ magnétique, encercle l’homme, à la fois prisonnier et dirigeant de cet outil, qui est donc LE clou du spectacle. Chanceux que nous étions, il sera donc le sujet principal de la deuxième partie.
De manière peut-être étonnante, c’est lors d’un numéro d’une dizaine de minutes tenu par un des danseurs que l’on prend conscience de la complexité, et de l’énergie nécessaire pour manipuler l’objet. Littéralement en sueur à la fin de la prestation, il est allé chercher tous les angles pour le déployer, multiplier les rythmes, tenant la cadence sans jamais faiblir. Chapeau bas à l’artiste qui parvient à tenir en haleine une audience, conquise pour sa majorité, mais qui s’est tout de même laisser (re)séduire.
Pour le dernier tiers, toute la troupe est donc mobilisée pour laisser aller ces lassos. Une dimension tout aussi hypnotisante, rejointe par les tambours, les cris et les pas de flamenco. Une richesse artistique qui explique l’engouement mondial de la troupe depuis les dernières années.
On ne saurait passer sur le moment chanté du spectacle, porté par deux belles voix chaudes et solides. L’un des chanteurs s’est même permis un clin d’œil en glissant les paroles de la chanson de Félix Leclerc, Moi, mes souliers dans son medley. Largement apprécié par le public, c’est aussi à partir de ce moment que des petites touches d’humour sont venues désacraliser une prestance « testostéronesque ». Des blagues faciles, des sourires appuyés, une perte de contrôle savamment orchestrée… des astuces connues, qui ont su rapprocher les artistes du public.
C’est d’ailleurs un autre type de chaleur qui conclut la représentation : la séduction laisse place à la convivialité, avec pour les danseurs, comme pour le public, des sourires francs et comblés.
Crédit photo : Place des Arts
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