Si vous vous attendez à une soirée de rêverie romantique en allant voir Le lac des cygnes, présenté à la Place des Arts, cette semaine, vous risquez d’être à tout le moins déstabilisé! Swan Lakes est un spectacle en trois temps, conçu par la compagnie Gauthier Dance, qui s’ouvre avec une chorégraphie très politique de Marie Chouinard, où des danseuses dénoncent le viol, en lançant des accusations et en pointant du doigt le public. On passe ensuite à une création festive aux rythmes endiablés du chorégraphe et musicien Hofesh Shechter. Enfin, on interprète une oeuvre du chorégraphe Ohad Naharin en invitant des spectateurs à monter sur scène pour se déhancher. Compte-rendu d’une soirée en dents de scie…
Des cygnes en colère
Devant un écran où l’on projette des flammes, huit danseuses entrent en scène en rampant, avec leurs tutus qui évoquent sans doute le plumage d’un cygne. À travers leurs mouvements tendus, se dessine la colère. Puis, les femmes se lèvent et lancent ensemble des phrases accusatrices, en dévisageant le public. En espagnol (avec surtitres français), elles dénoncent, du même souffle, le patriarcat, le viol et les féminicides, en accusant l’état macho, le président (?), les policiers, etc.
Ironiquement, pendant qu’elles conspuent les hommes en position d’autorité, le spectacle se déroule en présence d’agents de sécurité postés aux deux extrémités de la scène. En cette période de forte tensions liées aux conflit israélo-palestinien, on a même procédé à des «fouilles aléatoires», lors de l’entrée des spectateurs au Théâtre Maisonneuve, pour ce spectacle mettant aussi en lumière des oeuvres de deux créateurs israéliens.
Il est plutôt attristant de voir madame Chouinard, autrefois si novatrice, glisser ainsi dans la revendication simpliste à la mode, en se contentant d’offrir une chorégraphie plutôt disgracieuse. Que penser de ce moment où les danseuses s’agenouillent en exhibant leur postérieur au public? Du grand art? Tout indique que le public de Danse Danse n’a pas vu les choses de cet oeil, puisqu’on s’est contenté d’applaudir poliment et brièvement, alors que les danseuses sont revenues sur scène pour saluer, comme si elles s’attendaient à ce que leur numéro soit un triomphe. Gênant!
Après cette pièce de propagande misandre, on passe (ENFIN!) à la danse.
Électrisant!
Neuf danseurs, hommes et femmes, s’amènent sur scène en tapant des mains et propagent instantanément leur énergie communicative à toute la salle! Swan cake respire la joie de vivre! Le chorégraphe Hofesh Shechter a aussi composé la musique de ce feu roulant, en plus de participer à la conception des éclairages et des costumes. Avec leurs mouvements frénétiques et d’une grande précision, les interprètes offrent un numéro électrisant!
Cependant, on se demande quel est le rapport entre cette excellente pièce et Le lac des cygnes? Faut-il voir dans la coordination des longs bras des danseurs, un symbole des mouvements d’ailes d’oiseaux? Quoi qu’il en soit, le public s’est levé d’un bond pour ovationner cette performance spectaculaire!
Durant l’entracte, un danseur quasi-acrobatique finit par soulever quelques cris admiratifs chez les spectateurs qui sont restés dans la salle. Puis, avant même qu’on éteigne les lumières, une quinzaine d’interprètes envahissent la scène. En costumes noirs, avec chapeaux à la Michael Jackson, ils s’asseoient sur des chaises disposées en demi-cercle. Soudainement, ils secouent leurs têtes et font voler les chapeaux à l’arrière-scène, dans un mouvement collectif d’une précision chirurgicale!
Nous sommes, ici, dans l’univers de Minus 16, un florilège d’extraits de pièces d’Ohad Naharin. En plus d’épater la foule avec la précision de leurs gestes, les danseurs descendent dans la salle et se choisissent des partenaires qu’ils entraînent sur scène pour se déhancher avec eux, entre autres, sur Sway, ritournelle emblématique du cha-cha. C’est le clou de la soirée! Parmi les recrues dénichées, en ce 2 mai, on remarque Francine Grimaldi qui n’hésite pas à enlever ses chaussures, sur la scène du Théâtre Maisonneuve, pour mieux suivre le tempo indiqué par son partenaire.
En résumé, Swan Lakes est un spectacle au titre plutôt trompeur qui s’ouvre sur un ton moralisateur mais qui se poursuit et se termine dans la joie, grâce à des chorégraphies interprétées avec une précision époustouflante!
Swan Lakes est à l’affiche au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, jusqu’à samedi, 4 mai.
*Photo d’accueil:
Chorégraphie de Marie Chouinard / Crédit photo: Jeannette Bak