Après un premier roman sur la vie au quotidien sur une ferme dans les Cantons-de-l’Est, Des réguines et des hommes, Julie Myre Bisaillon récidive avec un deuxième roman, Des bières et des femmes, qui raconte le quotidien d’une microbrasserie rurale, assortie d’une cuisine mobile et d’une terrasse pour manger et boire local. Juste au moment où les restaurants et les terrasses ouvrent grand leurs portes, ce roman donne le goût d’aller siroter une bière, manger un bon burger et jaser avec de joyeux lurons sur cette terrasse au milieu de ce village des plus divertissant et diversifié.
Résumé : Maude et son chum et un ami, qui sont brasseurs, décident de se lancer en affaire avec Chum et Chérie, qu’on a connus dans Des réguines et des hommes. Résultat : une taverne rurale, sorte de restaurant cuisine locale acoquiné à une microbrasserie. Des bières et des femmes, c’est donc le quotidien d’un restaurant naissant, qui commence chaque fois avec un message de réservation sans queue ni tête laissé sur le répondeur; qui se poursuit avec un échange entre Nath et Meg, les deux serveuses qui en voient de toutes les couleurs; qui résiste aux pénuries de personnel et aux demandes saugrenues des clients (à qui il faut rappeler souvent ce que c’est de manger local); qui comporte de nombreux aller-retour de la terrasse en bois au béton du salon de dégustation en passant par la garnotte.
Des bières et des femmes est un roman comme je n’en ai jamais lu auparavant. C’est drôle, ludique parfois, touchant à l’occasion, rempli d’anecdotes savoureuses de vie de région, et surtout de délicieux moments croqués dans le quotidien d’une microbrasserie/restaurant d’un village où tout le monde se connaît, s’entraide et rigole ensemble. Ce roman a cela de particulier qu’il contient une grande musicalité dans le texte et je me suis surprise à l’occasion d’avoir envie de lire certains passages à voix haute.
Par exemple, les dialogues entre Meg et Nath, qui reviennent chaque jour, sur les tâches de serveuses, ont du rythme, un peu comme un numéro de comédie entre ti-gus et ti-mousse.
Extrait :
– Meg ?
-Oui, Nath?
-Tu fais quoi quand des clients veulent splitter la facture de façon pas d’allure ?
-Je leur apporte une facture et leur dis que l’option «maudit niaisage» est en panne.
-Tu me niaises ?
-Je leur apporte une facture avec une calculatrice pis j’ajoute : «trompez-vous pas» Astie.
-Tu dirais pas «Astie» ?
-Sérieux, je leur apporte une facture et je leur dis de se débrouiller.
-Ben non.
-Avec un accent français.
J’adore les chapitres qui se répètent avec des extraits de gens qui laissent des messages de réservations sur le répondeur et qui sont bien souvent très loufoques et complètement hilarants, ou encore ceux qui appellent et s’obstinent pour manger autre chose que ce qu’il y a sur le menu. Je compatis tellement avec les restaurateurs qui doivent supporter tous ces caprices.
Une autre chose que j’adore dans ce style unique d’écriture, c’est la manière dont les personnages se parlent entre eux. Ils emploient rarement leurs prénoms. Il y a le Capitaine, qui n’est jamais content, peu importe la proposition, et cela en fait un running gag qui fonctionne très bien. On fait référence à lui, mais il ne parle jamais. Il y a Chérie et mon Chum qui s’interpellent par ces noms et cela me fait beaucoup rire.
Il y a également de très chaleureux et rigolos personnages qui se pointent comme client à leur terrasse/salon de dégustation. On retrouve Léon qui est toujours prêt à donner un coup de main, Michel(le) la trans du village qui passe en après-midi prendre quelques verres. On y retrouve des souvenirs de jeunesse, des rumeurs qui circulent dans le village, des péripéties lors des entrevues pour trouver des serveurs, plongeurs et autres emplois d’été. On a même quelques histoires en lien avec #metoo et l’intimidation, et des moments délirants avec deux p’tits vieux et leurs caprices.
Je n’ai pas lu le premier roman, mais j’ai clairement eu la piqure pour l’écriture originale et humoristique de Julie Myre Bisaillon. Il parait que ce roman est en partie autobiographique. En lisant l’épilogue, j’ai espoir qu’un troisième roman verra le jour prochainement et cela me comble de bonheur.
Julie Myre Bisaillon est professeure à la Faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke. Elle est aussi la conjointe d’un producteur maraîcher Son premier roman, Des réguines et des hommes, s’inspirait de leur vie commune dans les Cantons-de-l’Est. Julie Myre Bisaillon. Des bières et des femmes est son deuxième roman.
Prix : 22.95$
Nombre de pages : 252 pages
Date de parution : 26 mai 2021
Éditions Hurtubise : https://editionshurtubise.com/