C’est la comédie de la vie elle-même qui déclenche des éclats de rire incontrôlables durant le spectacle Elenit présenté au Festival TransAmériques. Le metteur en scène grec Euripides Laskaridis qui avait fait sensation au FTA, en 2018, dans le duo Titans, est de retour avec une dizaine d’interprètes qui incarnent la nature humaine dans ses élans de vanité, d’égocentrisme et aussi dans sa volonté d’atteindre le sublime. Elenit est un étrange cabaret où le théâtre côtoie la danse, le cirque et même la magie!

Crédit : Julian Mommert
Euripides Laskaridis, c’est celui qu’on voit de profil sur la photo avec un nez de sorcière. Son personnage prend les allures d’un croisement entre Marie-Antoinette et une diva de la chanson à la voix transformée par un savant jeu de réverbération. Cette grande dame haut perchée est entourée d’une petite vieille qui marche en rasant le sol, d’un dinosaure drag queen, d’une femme à moustache, d’un boucher au tablier taché de sang, etc.
Au pied d’une grande éolienne, chacun s’exprime dans un langage inventé. Tout passe dans le ton de la voix et la gestuelle. Le tragique devient souvent comique dans cette fable aux accents opératiques où l’on pousse la note un peu prétentieusement. Maquillages outranciers, masques, prothèses, etc., tout est plus ou moins travesti dans cette représentation qui conteste l’ordre établi en le transformant en images absurdes et hilarantes.

Crédit : Julian Mommert
D’ailleurs, le titre du spectacle repose sur un malentendu, comme l’explique Laskaridis : «Je me souviens qu’enfant, j’étais attiré par ces feuilles de tôles métalliques ondulées souvent utilisées pour construire des toits… Dans l’île d’où je viens, en Grèce, qui n’est ni très riche ni touristique, tout était construit avec cette tôle peu chère et durable… Mon père m’avait dit que ça s’appelait de l’« elenit », un mélange de ciment et d’amiante, fabriqué dans les années 1970, qui a vite été déclaré nocif pour la santé. Dans certains pays, on l’appelait même « eternit », une allusion au fait que ce matériau subsisterait pour toujours. En Grèce, on l’avait renommé elenit, qui sonnait plus hellénique. Il a ensuite été interdit et les gens qui vivaient sous ce type de toit sont morts du cancer…
Je trouve très pertinent de donner un titre à mon spectacle basé sur un malentendu… Cela devient un point d’ancrage avec mon héritage et ma mythologie personnelle, et une allusion aux courts-circuits dans la transmission et des mythes qu’on prend pour la vérité.»
Ces tôles ondulées forment d’ailleurs une structure autour de laquelle dansent les personnages. Leurs silhouettes disparaissent et réapparaissent grâce aux jeux de lumière. De toute évidence, l’irrévérencieux Laskaridis prend un malin plaisir à créer l’illusion, puis à la briser.

Crédit : Julian Mommert
Les rebondissements sont nombreux dans Elenit, mais plusieurs mimiques et gestes, si drôle soient-ils, sont souvent répétés. Le rythme du spectacle de près de deux heures finit par s’essoufler.
Mais, le cynisme décapant refait surface avant que les projecteurs ne s’éteignent.
À la fois observatrice et personnage central de cet univers qui oscille entre le rêve et la fin des idéaux, l’absurde diva rejouera même quelques fois la scène de son agonie, dans le but de trouver la meilleure façon d’émouvoir le public !
À travers cette comédie excentrique, l’irrévérencieux Laskaridis semble dire : ne nous prenons pas trop au sérieux, car la vie est une comédie.
Elenit / Euripides Laskaridis
Présenté par le FTA au Théâtre Jean-Duceppe / jusqu’au 4 juin