
Nous avons eu la chance cette fin de semaine de nous entretenir avec l’artiste Martin Messier au sujet de son dernier projet, Corps Morts, installation performative, chorégraphique et sonore qu’il présentera à LA CHAPELLE, à partir du 23 janvier 2017.
J’ai lu votre parcours et je suis curieuse de savoir si vous avez une formation en musique ou si vous jouez d’instruments de musique ?
Oui, en composition et en musique électronique à l’université. J’ai étudié aussi la batterie, au cégep, mais cela fait tellement longtemps, c’est tellement loin derrière que je ne trouve plus aussi pertinent de le mentionner.
Qu’est-ce qui vous a amené à utiliser des objets de la vie quotidienne pour créer des environnements sonores pour la scène? Qu’est-ce qui a amorcé cette démarche ?
Quand j’ai commencé à travailler avec la danse et le théâtre et que les objets étaient présents et visibles sur scène, alors ils ont acquis une raison d’être, une sémantique qu’ils n’avaient pas auparavant, lorsqu’ils étaient uniquement intégrés à la musique que je composais et qu’ils n’étaient pas visibles. Leur mémoire, en fait leur présence évoque des faits historiques et affectifs. Par exemple, pour les machines à coudre, j’ai eu plusieurs témoignages de partout, de la Chine à l’Allemagne, à l’Angleterre, de gens pour qui elles évoquent plusieurs souvenirs. Ils me racontent que leur grand-mère ou bien eux-mêmes en possèdent toujours de marque SINGER. Ce qui a déclenché cette démarche, c’est le pouvoir évocateur des objets.
Comment vous êtes-vous inspiré ? Est-ce une fois après avoir fait la scénographie et l’installation que les thèmes se sont définis ?
Je suis parti avec un titre de départ, Corps morts et c’est ça qui a généré la création. Je suis parti de l’idée et j’ai travaillé de l’inanimé (autant pour les objets que pour les corps humains) vers l’animé et j’ai basé ma dramaturgie sur ce principe.
Connaissez-vous le manifeste de Luigi Rossolo Arte dei rumori, (Art des bruits) écrit en 1913 et son travail sonore ?
Oui, bien sûr, j’ai même fait un projet avec Nicolas Bernier qui était inspiré de Intonatirumoris et je connais bien le manifeste aussi, c’est une référence dans le domaine. Je fais deux types de projets: certains davantage dans l’univers de la danse et de la performance et d’autres davantage dans la musique électronique. Les idées de Luigi Rossolo sont surtout présentes dans le travail que je développe en musique électronique. C’est un terme d’ailleurs que je préfère utiliser en ce moment pour définir mon travail, car le terme électro-acoustique ou autres termes comme la musique numérique, concrète etc. sont moins évocateurs pour les moins initiés et parlent moins au grand public. Aussi, parce que les termes changent souvent dans le domaine et ces changements rapides de dénomination peuvent apporter un peu de confusion.
Qu’est-ce que vous avez appris durant ce projet et durant cette incursion dans la matière ?
Plein de choses. En fait, c’était la première fois que je portais seul l’aspect chorégraphie, avant, j’ai toujours travaillé en collaboration avec des chorégraphes. L’objet a été un outil pour me faire entrer quelque part, si vous venez voir le spectacle, vous allez voir que la chaise est utilisée comme contre-poids pour les cordes et pour explorer les thèmes de la gravité et observer comment les objets inanimés réagissent par rapport à celle-ci. J’ai poussé le questionnement sur comment les corps humains pouvaient être influencés par ça. Je me suis aussi questionné sur comment intégrer la scénographie aux corps humains et je me suis soucié du rapport entre les deux et comment serait-il possible de faire le lien entre ceux-ci et leurs univers respectifs. Je ne suis pas certain que j’y suis arrivé complètement, bien humblement…
Mais si je reviens sur ce que j’ai lu à propos de votre démarche, il semble que vous ayez trouvé quelque chose dans cette direction du moins ? Le fait que vous vous êtes intéressé à l’imprévisibilité des mouvements des objets dans l’espace, dans ce cas-ci les chaises, et que vous ayez tenté de les faire réagir de façon imprévisible? N’est-ce pas une réussite que d’avoir trouvé comment leur donner cette qualité animale, humaine ?
Oui, c’est vrai, lorsque j’ai commencé à travailler avec mes objets, je n’ai pas obtenu les résultats que j’avais prévus et la chaise c’est transformée en bête. On a commencé aussi à pouvoir relever plusieurs similitudes avec les mammifères : 4 pattes…
Est-ce que ce projet a changé quelque chose à votre démarche ? Sur quoi vous a-t-il donné envie de travailler ensuite ? Allez-vous travailler dans la direction inverse, des corps animés vers l’inaction ?
Je vois ce que vous voulez dire, mais en ce moment, je ne sais pas. Cela m’a donné envie de continuer définitivement à travailler avec des corps humains qui ne réagissent vraiment pas comme les objets et de récidiver dans ce sens. Je sens aussi que je suis porté ailleurs et que la scénographie devient plus importante que le simple objet et que je suis en train de migrer de l’objet vers l’espace.
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CORPS MORTS
INSTALLATION PERFORMATIVE, CHORÉGRAPHIQUE ET SONORE À LA CHAPELLE
Une production de 14 lieux / Martin Messier.
Une diffusion de La Chapelle.
Horaire des représentations:
Lundi 23 janvier 19h,
mardi 24 janvier 20h,
mercredi 25 janvier 20h,
jeudi 26 janvier 20h*
vendredi 27 janvier 20h
* Discussion avec les artistes et le public après cette représentation.
Mise en scène, chorégraphie et création: Martin Messier.
Interprétation: Kimberley De Jong, Patrick Lamothe, Simon-Xavier Lefebvre, Martin Messier.
Aide à la recherche: Brianna Lombardo.
Lumières: Jean-François Piché, Martin Messier.
Musique: Martin Messier, Simon Trottier.
Direction technique: Dominique Hawry.
Aide à la technique: Laura-Rose Grenier.
LA CHAPELLE / 3700 SAINT-DOMINIQUE / BILLETTERIE 514.843.7738 / lachapelle.org
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Emma Reno, pour les ArtsZé