Au-delà de l’artiste qu’il est, William Cloutier n’a rien d’un terrien en détresse comme ce rôle à contre-emploi de Johnny Rockfort qui lui est dévolu et qu’il incarne dans Starmania qui reprend du service présentement chez les cousins français. Le gagnant de Star Académie 2022 est plutôt un jeune homme articulé, les deux pieds sur terre, bien dans sa peau, de bonne nature et prêt à travailler fort pour affronter les grands défis que lui propose la vie.
Le vertige du voyage
Confortablement installé dans sa chambre d’hôtel à Paris et dans la ville Lumière tout court, il apprend un chouïa à prendre ses aises durant ces 5 jours de pause obligée, le temps que les décors et équipements de Starmania soient installés dans cette immense salle de La Seine musicale à Boulogne-Billancourt, une commune à l’ouest de Paris. Il vient tout juste de terminer une série de spectacles, des avant-premières* notamment, à Nice et à Marseille.
En arrivant dans cette ville irrésistible, la plus visitée au monde, tout lui était inconnu. Mais en août dernier quand la force du destin a pris le dessus, « j’ai eu cet immense vertige en arrivant en France car je n’avais jamais voyagé. J’étais sans repères». Puis, tout a déboulé si rapidement pour ce natif de Victoriaville.
Le chemin jusqu’en France
En périphérie de sa participation à Star Académie, Gregory Charles lui apprend que Luc Plamondon l’a entendu chanter et que sa voix lui plaît. Il reste un rôle à combler dans Starmania. Mais le projet de jouer dans cet opéra rock mythique tombe dans l’oubli pendant quelques mois jusqu’au moment où Plamondon, auteur et parolier incontournable de la francophonie, assiste au spectacle de Lara Fabian. Elle qui a dirigé les classes de Star Académie au Québec, invite William à chanter sur la scène de la salle Wilfrid-Pelletier avec elle.
De fil en aiguille, les événements se sont alors bousculés. Plamondon est convaincu qu’on a besoin d’une voix comme la sienne. William se retrouve rapidement en France en août 2022 pour des auditions alors même que la troupe a commencé les répétitions avec le metteur en scène Thomas Jolly et Victor le Masne, le directeur musical.
« Ce n’était pas garanti que j’obtiendrais le rôle mais j’ai choisi de faire confiance au destin. Vivre de la musique à l’étranger était un rêve auquel je n’osais même pas penser. Je ne me serais jamais donné cette permission », dira-t-il bien humblement.
Les ligues majeures
L’opéra rock Starmania créé par le compositeur Michel Berger et l’auteur Luc Plamondon a connu sa part d’immenses voix au cours d’une carrière qui commence en 1979. Pour le rôle du rebelle et chef de bande de criminels Johnny Rockfort, celles de Daniel Balavoine et de Bruno Pelletier demeurent marquantes et inoubliables particulièrement dans la chanson SOS d’un terrien en détresse. D’autres ont également incarné ce rôle soit Robert Leroux, Norman Groulx, Renaud Hantson et Paul Kribbe. D’ailleurs c’est la voix de Norman Groulx qui résonne sur les albums de Starmania de l’époque. À l’aide d’un coach vocal, celui de Mika, William se prêtera aux ajustements de tessiture et sera finalement retenu, une porte d’entrée majestueuse dans les ligues majeures. À cette loterie improbable jusque là, William avait tiré le bon numéro!
« Ici on travaille différemment. Tout peut changer au dernier instant. Ce qui donne un spectacle vivant en constante mouvance. Au Québec, on travaille à l’américaine, de façon plus formatée. Je me rends compte de la beauté de la création, du besoin de bousculer ce qui est, pour provoquer, évoluer et permettre de nouveaux apprentissages. Je retiens une phrase clé du metteur en scène : pour chaque spectacle on ne refait pas, mais plutôt, on fait à nouveau. Puis ce rôle me permet enfin de mettre en œuvre mes deux passions, le jeu et le chant,» confia celui dont l’album On ira est en nomination dans la catégorie Album pop de l’année au Premier Gala de l’ADISQ du 2 novembre prochain.
À Paris
Bien sûr qu’il a fait du tourisme classique pour s’émerveiller devant Paris: le bus à deux étages pour faire le tour du propriétaire, l’Arc de Triomphe, le Louvre et sa Joconde, etc. Mais il garde en réserve plein de visites pour Sara, sa tendre moitié et ses fils Liam et Éloi, dont Disneyland évidemment, eux qui viendront le visiter en décembre. En attendant, il reste aux alentours de son hôtel pour ne pas se perdre dans les méandres de la mégalopole bien qu’il monte avec audace et prudence sur ces trottinettes électriques Lime que les Parisiens ont désormais adoptées pour se déplacer en ville.
La suite des choses
Cette aventure qui tient du conte de fétaud, ne fait que commencer pour ce Québécois de presque 27 ans (25 octobre) puisqu’au cours de l’hiver 2022-2023, la France toute entière sera mise à profit pour apprécier ce spectacle visionnaire qui vise en plein dans le mille d’actualité : écologie, racisme, extrémismes, airs de fin du monde, chaos, effondrement du capitalisme, etc.
Des spectacles au rythme de 6 jours semaine du mardi au dimanche parfois deux par jour sont au programme dans l’Hexagone. Heureusement, les productions de cette envergure ont tout prévu puisque chaque rôle est incarné en alternance par deux acteurs.
« Le spectacle est grandiose et impressionnant de par la qualité des membres de la production devant et derrière la scène que ce soit avec les éclairages qui sont un personnage en soi ou les arrangements musicaux. Mais le public aussi a des attentes par nostalgie ou nouveauté. Et cela m’amène à me dépasser et à évoluer comme artiste.»
Et bien que cela demeure encore dans le domaine de l’inconnu, on espère voir William Cloutier dans ce rôle de Johnny Rockfort au Québec.
Crédit photos : Anthony Dorfmann
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* Les avant-premières : étonnamment, le concept des avant-premières nous étant plutôt étranger au Québec, elles sont des représentations vendues à moindre coût au public mais pendant lesquelles les créateurs peuvent interrompre le spectacle à tout moment pour faire des ajustements.