Changement de garde à l’OM. Fondé en 1981 et dirigé par Yannick Nézet-Séguin depuis plus de 20 ans, cet orchestre est arrivé à un tournant. Après une décennie particulièrement fructueuse et marquée, entre autres, par des tournées internationales et de nombreux enregistrements de disques dont un sur la prestigieuse étiquette Deutsche Grammophon, le président-directeur général de l’OM, Jean R. Dupré tire sa révérence. Entrevue avec un gestionnaire passionné qui a su passer du milieu du sport à celui des arts.
Visiblement ému, Jean R. Dupré a reçu un vibrant hommage de Yannick Nézet-Séguin lui-même, lors du dernier concert de l’année de l’OM, à la Maison symphonique.
« Avec Jean, évoluer, rêver l’impossible et réaliser ensemble des projets gigantesques pour que l’OM puisse poursuivre ses ambitions artistiques, voilà une collaboration professionnelle des plus significatives! … Grâce à lui, nos rêves sont dorénavant à notre portée et je lui en serai éternellement reconnaissant! »
Pourtant, monsieur Dupré arrivait du domaine du sport, lorsqu’il a pris les rênes de l’Orchestre Métropolitain dont il a d’abord dû redresser la santé financière. Ex-chef de la direction du Comité olympique canadien (COC), il a été directeur général de Patinage de vitesse Canada. Auparavant, il avait travaillé à la direction et au service de marketing, au sein du club de hockey des Oilers d’Edmonton et de Ski de fond Canada.
«Les artistes et les sportifs se ressemblent d’une certaine façon. Ce sont des passionnés qui sont à la recherche constante de l’excellence !», dit ce diplômé en gestion de l’Université Concordia, détenteur d’une maîtrise en
administration du sport de l’Université de Montréal, ainsi que d’un baccalauréat en éducation physique de l’Université d’Ottawa.
L’autre orchestre
L’homme qui part à la retraite a t-il atteint ses objectifs à l’OM ? «Je dirais que l’orchestre est passé de l’adolescence à l’âge adulte, au cours des dix dernières années. Nous étions perçus comme le deuxième orchestre; maintenant on nous considère comme l’autre orchestre. C’est toute une différence !»
Alors, qu’est ce qui a permis ce changement ? «D’abord, il fallait revaloriser le travail de nos employés», estime monsieur Dupré, en soulignant que l’OM compte maintenant 57 musiciens permanents et que leur salaire a considérablement augmenté en dix ans.
Quant au budget de l’orchestre qui était d’environ 3 millions de dollars à son arrivée, il dépasse maintenant les 8 millions. En plus d’avoir travaillé à «se faire reconnaître au niveau des subventionneurs», l’OM a courtisé plus assidûment les philanthropes. «On a aussi créé le Gala-bénéfice qui permet d’aller chercher environ un demi million en une soirée.» Le succès de cet évènement est tel qu’on en sera à la 7e édition, le 19 avril prochain au Palais des congrès.
L’effet des tournées internationales
L’une des grandes fiertés de Jean R. Dupré est d’avoir amené l’orchestre en tournée en Europe en 2017. Triompher dans des hauts lieux de la musique dont Paris, Cologne, Amsterdam, Rotterdam et Hambourg a donné aux musiciens de l’OM une nouvelle confiance en eux. «Quand on est revenu, on a immédiatement senti que le public montréalais nous accordait une plus grande crédibilité. Ça s’est d’ailleurs traduit par un bond dans les abonnements qui étaient passés de 1100 à 1500.»
L’homme se réjouit également d’être associé au renouvellement à vie du contrat de Yannick Nézet-Séguin à titre de directeur artistique et chef principal. «Au début, l’agent de Yannick trouvait ça un peu bizarre mais nous avons réalisé que cette association à long terme profiterait à tout le monde.»
Cohabiter à la Maison symphonique
Heureux que l’OM soit enfin reconnu comme résident de la Place des Arts, Jean R. Dupré estime néanmoins que certains problèmes de cohabitation persistent à la Maison symphonique, où l’Orchestre symphonique de Montréal présente aussi ses concerts. «C’est souvent difficile d’avoir la salle en fonction des disponibilités de Yannick qui est aussi très occupé sur la scène internationale. Nous ne demandons pas à avoir la priorité mais nous voulons l’équité !»
L’avenir de l’OM
Monsieur Dupré cède sa place à Fabienne Voisin qui était à la tête de l‘Orchestre national d‘Île-de-France, depuis 11 ans. Tout comme l’OM, l’ONDIF a pour mission de rendre la musique symphonique accessible au plus grand nombre. À ce chapitre, le président sortant souhaite que l’Orchestre Métropolitain continue de se produire dans divers arrondissements de la ville et d’offrir des concerts gratuits dans les parcs durant la saison estivale, notamment au pied du mont Royal. «C’est sans doute la meilleure façon d’aller à la rencontre de nouveaux publics et de toucher l’ensemble des citoyens, près de chez eux, dans leur quartier.»
Cela dit, le vétéran estime que l’OM a maintenant la notoriété qui lui permet d’augmenter le nombre de concerts présentés à chaque saison à la Maison symphonique.
Après tant d’années si bien remplies, Jean R. Dupré gardera-t-il certains liens avec l’OM ? Pince-sans-rire, le retraité répond : «je leur ai dit que je serai disponible, si jamais ils ont besoin de quelqu’un pour porter les valises des musiciens lors de la prochaine tournée internationale de l’OM.»