Véritable star de la musique néoromantique, le pianiste et compositeur Sofiane Pamart était à la Maison symphonique, hier soir (16 juin). Dans ce créneau musical où les Jean-Michel Blais et Alexandra Stréliski optent pour la sobriété vestimentaire, il en va autrement pour cet artiste français qui affectionne la haute couture et le rap. L’engouement qu’il suscite est tel qu’un an après le lancement de son premier album, le jeune trentenaire était déjà dans le «top 10» des artistes de Musique classique les plus «streamés au monde». Compte-rendu d’une soirée aux Francos qui s’est déroulée sans qu’un seul mot ne soit prononcé.
En ce jeudi soir orageux où chacun traînait son parapluie, Sofiane Pamart est entré en scène avec des lunettes de soleil, un chapeau noir lustré et un spectaculaire kimono bleu et blanc. Dès les premières notes, on se retrouve dans une bulle apaisante. Rêve. Nostalgie. Le doigté léger laisse rouler les notes. À d’autres moments plus dramatiques, des accords sont plaqués vigoureusement.
L’artiste qui a étudié Ravel et Chopin au conservatoire, a aussi travaillé avec plusieurs rappeurs dont le belge Scylla. Dans son récital à la Maison symphonique, Pamart n’est pas allé vers le rap comme tel, mais disons que certaines pièces sonnaient comme un croisement entre Chopin et Bill Evans ou peut-être même Keith Jarrett.
Mais voilà, les pièces défilent sans présentation et moins d’une heure après le début du concert, on en est déjà aux rappels. Pas un mot sur les compositions, ni sur les contextes dans lesquels elles ont été créées et pas le moindre programme, ni sur papier, ni sur le site des Francos. Pourtant, l’un des buts de ce festival n’est-il pas de faire découvrir des artistes de la francophonie ?
Bien sûr, aujourd’hui, il y a YouTube et les réseaux sociaux, mais les spectacles ne sont-ils pas censés être des rencontres ? Il fut un temps où les fondateurs des Francos, Alain Simard et Guy Latraverse venaient présenter avec fierté certains artistes au public et cela était généralement éclairant. Quand aucun mot n’est prononcé, pas même bonsoir, ça devient impersonnel.
Au cours des dernières années, les organisateurs de concerts de musique classique ont développé des façons sympathiques d’accueillir le public. Yannick Nézet-Séguin (OM) et Isolde Lagacé (directrice artistique de la Salle Bourgie), entre autres, ont bien compris que le spectateur y gagne à ce qu’on lui parle un peu des oeuvres qu’on s’apprête à interpréter. Aux Francos, on a fait le chemin inverse. On amène des artistes qui sont loin d’être connus du grand public montréalais et on ne se donne pas la peine de les présenter.
Il est rare et réjouissant de voir un pianiste à la tenue flamboyante, tout en étant décontracté. Sans tomber dans de longs discours, il aurait été intéressant que l’artiste nous parle un peu de sa démarche singulière, alors que sa création musicale s’accompagne d’un travail d’image dans lequel il vise apparemment à réconcilier le luxe et le rap.
On va au concert pour la musique mais aussi pour le contact humain. Alors que des travailleurs des Francos de Montréal dénoncent l’usage grandissant de l’anglais comme langue de travail à l’interne, rappelons que quelques mots -en français- ont toujours leur place dans un spectacle où l’on célèbre la francophonie.
Sofiane Pamart / Maison symphonique / Francos de Montréal / 16 juin