La complicité entre le conteur Fred Pellerin et maestro Kent Nagano a séduit le public qui remplissait la Maison symphonique, en ce soir de première du conte de Noël : Le secret de Polichignon. Une fois de plus, le tandem réussit à entraîner les spectateurs dans l’univers déjanté de personnages de Saint-Élie-de-Caxton, dont les aventures trouvent leurs échos dans des musiques de Chopin, Schubert, Tchaïkovski, etc., interprétées par l’Orchestre symphonique de Montréal. Ces somptueuses escales musicales se glissent dans un amusant voyage dans le temps, où l’humour et l’amour se confondent.
Qui n’a pas déjà tenu un secret de Polichinelle, c’est-à-dire, gardé le silence sur un fait connu de tous, pour que personne ne perde la face? Le conteur a transposé cette attitude dans l’univers du barbier Méo Bellemare qui doit rester discret au sujet de ses clients et clientes. Or, dans le domaine capillaire, le Polichignon remplace le Polichinelle, selon le vocabulaire farfelu de Pellerin.
Celui qui entretient les chevelures, barbes et moustaches a appris à respecter les particularités de chacun. Mais, comment couper les cheveux d’une religieuse qui refuse d’enlever sa coiffe? Cette exigence inusitée finira par perturber profondément le barbier, comme le raconte Pellerin avec espièglerie, à travers des sous-entendus qui rappellent les parlures de nos ancêtres.
Bonne humeur communicative
Durant tout ce spectacle d’environ 1h 20 minutes, l’histoire personnelle d’un homme qui devient secrètement amoureux, rejoint l’universel, à travers des extraits de la Symphonie «Titan» de Malher, ainsi que des Tableaux d’une exposition de Moussorgski, etc.
Le conteur à l’imagination débridée évoque aussi un groupe d’abeilles qui jouera un rôle déterminant dans la séduction du coiffeur par la bonne sœur, Solange. L’orchestre traduit d’abord cette scène par «Le vol du bourdon» de Rimski-Korsakov, avant de passer au fulgurant «Motorbike» du Concerto pour trombone de Jan Sandström, interprété par le tromboniste James Box. Cette partition parfois grinçante colle au abeilles redoutables dépeintes par Pellerin. À nouveau, les rires s’emparent de la salle! Bien joué!
Le programme inclut même deux créations du compositeur québécois Maxime Goulet, connu, entre autres, pour sa Symphonie de la tempête de verglas.
Au son de musiques romantiques et de pièces contemporaines, le public de 7 à 77 ans se laisse bercer par les projections envoûtantes qui transforment l’immense boule suspendue au-dessus de la scène. Bien entendu, l’histoire culmine avec l’arrivée de Noël, au son d’un somptueux arrangement de Sainte nuit, intemporelle mélodie composée par l’Autrichien Conrad Franz Xaver Gruber, en 1818.
Même si Kent Nagano oeuvre en Europe depuis qu’il a quitté la direction artistique de l’OSM, à la fin de son contrat en 2020, il n’a visiblement pas oublié son ami Fred. Le chef d’orchestre prend d’ailleurs plaisir à se retourner vers Pellerin pour le voir gesticuler en racontant ses pitreries enrobées de poésie.
Rappelons que c’est d’ailleurs le maestro américain d’ascendance japonaise qui avait lancé au Québécois l’idée de créer un conte symphonique. Dès 2011, année de l’inauguration de la Maison symphonique, on y a présenté «Une tuque en mousse de nombril». Deux ans plus tard, ce fut «Le Bossu symphonique», suivi de «Il est né le divin enfin!» (2015), «Les jours de la semelle» (2018) et «La poste du paradis» (2021).
Cette année encore, ce spectacle unique en son genre sait amuser les petits et grands mais aussi, émouvoir, puisqu’il est question de sentiments et de la fragilité de l’existence humaine. Pellerin dont la vie a été chamboulée, alors que sa fille Marie-Fée a reçu un diagnostic de cancer en 2019, est aujourd’hui soulagé de la savoir en rémission. C’est d’ailleurs sur une vibrante note d’espoir qu’il termine la soirée avec sa lumineuse chanson, Au commencement du monde.
Le secret de Polichignon est présenté jusqu’à dimanche, à la Maison symphonique.
Le secret de Polichignon
Orchestre symphonique de Montréal / Kent Nagano, chef
Fred Pellerin, conteur
À la Maison symphonique :
Le 15 décembre à 19h 30
Le 16 décembre à 14h 30 et à 19h 30
Le 17 décembre à 14h 30
Ce conte symphonique sera aussi présenté sur ICI Télé, le samedi 23 décembre à 20 h. L’émission sera en ligne après sa diffusion télé.
*Crédit photo : Antoine Saito