On ne voit pas le temps passer avec Gilles Valiquette, un passionné de musique et une sorte d’encyclopédie vivante! Rencontré dans un café du centre-ville, l’auteur-compositeur-interprète de Je suis cool, La vie en rose, Mets un peu de soleil dans notre vie, etc., a les yeux qui brillent à l’idée de retrouver le public au Théâtre Outremont, une salle mythique où il s’est produit durant les années 1970. On sait déjà qu’il sera entouré, notamment, de Monique Fauteux et Marc Pérusse mais, il a aussi lancé plusieurs autres invitations…
Retour à Chansons pour un café
50 ans après la publication de son premier album Chansons pour un café, l’artiste est d’humeur enjouée.
Il vient de publier un très beau coffret, truffé de photos tirées pour la plupart de ses archives personnelles, témoignant de la place particulière qu’il occupe dans l’histoire de la chanson québécoise.
Avec la maturité acquise au fil des ans, le chanteur a réenregistré les 13 pièces qui l’ont révélé au public dont: Quelle belle journée! et Dis-lui bonjour.
Cette nouvelle production, intitulée Retour à Chansons pour un café, lui a permis de réunir des collègues de longue date, dont : Jacques Michel, Daniel Lavoie, Richard Séguin et même Marie-Claire Séguin qui se fait très rare depuis des années!
Ces amis seront-ils à ses côtés sur la scène de l’Outremont? «Nous avons lancé des invitations!», répond-t-il, sourire aux lèvres, sans vendre la mèche. Pour l’instant, on sait qu’en plus de Marc Pérusse aux guitares, Valiquette sera appuyé de Dominique Messier, le batteur de Céline, ainsi que de Rémy Malo, bassiste, qui a collaboré avec Marie-Élaine Thibert, Lara Fabian, Jean Leloup, etc. À ce trio de rêve s’ajoute, Julie Valois, choriste et claviériste expérimentée, ainsi que Monique Fauteux qui a fait sa marque avec le groupe mythique Harmonium.
Un visionnaire réaliste
Peut-on parler d’un spectacle de retrouvailles ? «Pas vraiment car, j’ai toujours continué de me produire en public, au fil des ans», précise le principal intéressé. Qu’est-ce qui lui a permis de rester dans l’oeil du public durant plus d’un demi-siècle, alors que tant d’autres ont été éjectés de notre star-system ? À bien y penser, le cas de Valiquette est plutôt unique, au Québec.
Reconnu comme guitariste avant même qu’on le découvre comme chanteur, ce grand passionné des Beatles a aussi écrit un livre remarquable à leur sujet: «C’est fou mais c’est tout». Cet ouvrage raconte la folle odyssée du quatuor de Liverpool, d’un point de vue original. De Claude François à René Angélil et son groupe Les Baronets, on y démontre l’influence que John, Paul, George et Ringo ont exercée sur la chanson francophone, en jetant un éclairage québécois sur les beaux jours de la «British Invasion».
D’autre part, rappelons que Gilles Valiquette est le fondateur de l’école Musitechnic. Dès 1987, ce visionnaire était convaincu que l’ordinateur deviendrait une pièce maîtresse de la production audio et de l’industrie musicale, au point de créer le premier diplôme reconnu par le Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement Supérieur, entièrement consacré à la conception sonore assistée par ordinateur. C’était bien avant que le grand public ne découvre les MP3 et même l’Internet !
Ce Montréalais, né dans le quartier Villeray, a aussi appris à porter les chapeaux de producteur et arrangeur. Il a été réalisateur de disques, notamment, pour Plume Latraverse et Nicole Martin.
«L’avenir de la chanson québécoise est inquiétant»
Bien sûr, tout ce travail remonte à une époque où la musique québécoise avait la cote, ce qui est de moins en moins vrai de nos jours. Rappelons que, selon des données compilées par l’Observatoire de la culture et des communications du Québec, seulement 8% des chansons écoutées en ligne dans la Belle Province , en 2022, sont des œuvres d’artistes d’ici. À peine 5% sont des chansons québécoises en français.
«Je suis heureux d’avoir gagné ma vie avec la musique mais, je me demande si cela est encore possible, au Québec, pour un jeune qui arrive dans le métier. L’avenir de la chanson québécoise est inquiétant!»
Durant toute sa vie, Gilles Valiquette s’est dévoué pour les créateurs de musique en siégeant, notamment, aux conseils de la SPACQ, Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec et de la SODEC, Société de développement des entreprises culturelles. De 1998 à 2003, il a été président de la SOCAN, Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, où il a œuvré de 1982 à 2018.
Comment expliquer qu’après tant d’efforts, le public semble s’intéresser de moins en moins à la chanson québécoise ? «D’abord, ils sont devenus rares les lieux où l’on valorise notre chanson! On reproche aux jeunes de ne pas en écouter, mais est-ce que leurs parents font jouer de la musique québécoise à la maison ? Quant à nos radios, elle favorisent depuis longtemps les chansons en anglais, surtout aux heures de grande écoute.»
Du même souffle, cet inlassable batailleur souligne un paradoxe dans notre société qui a pourtant mené de longs combats pour la protection du français avec, notamment, la loi 101. «Curieusement, quand le numérique est arrivé, aucun de nos dirigeants n’a levé la main pour dire: Attention! Il faut prendre des moyens pour préserver notre culture francophone! On a tout laisser aller! Dans de telles conditions, le déclin de la chanson québécoise était prévisible et nos élus n’ont rien fait pour corriger la situation!»
Secoué par les coupes majeures à TVA
Plus encore, le vétéran craint pour l’avenir du français au Québec. «Je crois que la chanson est un véhicule culturel des plus rassembleurs. Quand tu laisses aller cet outil majeur, c’est l’ensemble de la culture d’un peuple qui s’en ressent, puisqu’on se désintéresse progressivement de ce qui se fait chez nous, sur le plan artistique. Les répercussions négatives s’enchaînent! D’ailleurs, ça nous saute dans la face, cet automne, avec les coupes de plus de 540 emplois à TVA. J’étais dans leurs locaux pour une entrevue quand on a annoncé la triste nouvelle aux employés. D’une certaine façon, j’ai vécu de l’intérieur ce qui s’avère une catastrophe pour l’ensemble de la culture québécoise!»
Rêver, malgré tout
Cela dit, cet homme persévérant n’est pas du genre à se laisser abattre. En plus de son spectacle présenté dans le cadre du Coup de coeur francophone, il va poursuivre une tournée au Québec, à laquelle on ajoute progressivement des dates. De plus, il continue de composer des chansons et n’exclut pas la possibilité de lancer un nouvel album.
Enfin, parmi ses rêves qui perdurent, il y en a un qui est directement lié à son ADN musical d’héritier de l’«invasion britannique», cette période des années 1960 où les groupes rock britanniques, à commencer par les Beatles, ont envahi les ondes. Valiquette aimerait aller réenregistrer ses meilleures chansons à Londres, en se faisant accompagner par des musiciens qui ont marqué son adolescence et sa vie tout entière. «J’aurais voulu aller aux studios Abbey Road pour enregistrer mes pièces, par exemple, avec le bassiste des Animals et le claviériste des Rolling Stones», résume-t-il, avec des étincelles dans les yeux. «Peut-être qu’il n’est pas trop tard pour ça!»
Chose certaine, vous et moi pourront découvrir ou redécouvrir sur scène le chanteur «cool» par excellence, à travers ses nombreux tubes qu’on n’a jamais cessé de fredonner. «Que Dieu bénisse toutes ces chansons!» Tel était le voeu de Gilles sur son premier album solo. Puisque sa musique résonne encore, cinq décennies plus tard, on peut dire que sa prière a été exaucée! Bravo monsieur Valiquette !
Gilles Valiquette au Théâtre Outremont
Dans le cadre du Festival Coup de coeur francophone
10 novembre à 20h. / Billets