Les Grands Ballets présentent Ultraviolet, un spectacle composé de quatre chorégraphies. À travers ces créations des artistes contemporains, Kristen Céré, Roddy Doble, Cass Mortimer Eipper et Lesley Telford, on explore différentes facettes de nos inconscients, individuels et collectifs. Mis à part un pas de deux, on y trouve plusieurs compositions de groupe qui se déroulent généralement dans des univers plutôt sombres, sur des musiques très diversifiées, allant de Bach à Bizet et John Cage . Compte-rendu d’une soirée découverte.

Crédit: Sasha Onyshchenko
Dans un premier temps, la chorégraphe canadienne Kristen Céré nous plonge dans Déséquilibre délectable, une pièce de 25 minutes où elle «explore les régions fragiles et sombres de notre être qui aspirent à la lumière.» Musicalement, on va de Jóhann Jóhannsson, compositeur, entre autres, des musiques des films Sicario et Prisoners de Denis Villeneuve, à Henry Purcell (XVIIe siècle). Les tableaux chorégraphiques sont si brefs qu’on peine à s’en imprégner.
Pendant ce temps, une femme aux cheveux blancs, filmée en gros plan, apparaît sur des écrans. Il s’agirait de la grand-mère de la chorégraphe. Mais, visiblement, bien des spectateurs se demandent qui est ce personnage. Il n’y a toujours pas de programme papier à la Place des Arts, contrairement à ce qu’on a recommencé à faire à la Salle Bourgie. Même ceux qui, à l’entracte, se donneront la peine d’explorer le programme virtuel de la soirée, à l’aide de leur téléphone, n’y trouveront pas d’information sur cette dame qui occupe pourtant une place importante dans cette chorégraphie. Difficile d’apprécier un numéro dont ont ignore la signification d’éléments-clés.
Pas de deux
On passe ensuite à Crater, un élégant pas de deux, chorégraphié par Roddy Doble, premier danseur des Grands Ballets. Cette oeuvre qu’on pourrait sans doute qualifier de néo-classique plutôt que contemporaine est harmonieusement exécutée sur l’Adagio du Concerto en ré mineur BWV 974 II de Jean-Sébastien Bach. C’est beau et court. Tout juste 5 minutes. Deux couples présenteront ce pas de deux selon les soirées : Roddy Doble lui-même avec Rachele Buriassi, puis Mai Kono et Graeme Fuhrman.
Nul n’est une île
Sans fil conducteur, on retourne à la danse contemporaine, durant une vingtaine de minutes, en plongeant dans l’univers de Beguile -[To beguile] amener/inciter/pousser [qqn] à faire [qch] (en le trompant/par la ruse) ; séduire, charmer-
Cette chorégraphie de la Vancouvéroise Lesley Telford est «inspirée d’un fort désir de connexion avec la société provoqué par le confinement» durant la pandémie. «Sommes-nous réellement des êtres indépendants?» Malgré la pertinence de cette question fondamentale, on espère en vain l’émotion qui jaillirait de la danse. Certes, les interprètes s’y déploient à travers des mouvements énergiques et synchronisés avec précision, mais où s’en va-t-on? Sans chercher à interpréter chaque geste, le public aurait besoin de certains repères.
Images fortes
Malheureusement, certains spectateurs ne reviendront pas après l’entracte, alors que c’est à ce moment qu’arrive la pièce de résistance de la soirée. Avec Substrat, l’Australien Cass Mortimer Eipper «explore comment l’humanité entre en hybridation avec les archives numériques qui ont déformé ses façons d’interagir.» À noter que «substrat» signifie «la substance qui sert de base à une autre couche»; ce mot est utilisé, entre autres, en philosophie et en électronique.
Au-delà de ce canevas, l’artiste a su créer des images fortes qui retiennent l’attention du spectateur. Ses danseurs sont rapides comme l’éclair sous les éclairages nerveux de Pierre Lavoie. Cela donne des déplacements de groupe saisissants!
Les acteurs du monde trouble de Substrat peuvent aussi grimper à un mur, grâce à la magnifique scénographie de Marija Djordjevic. On regrette toutefois que cette possibilité d’ascension collective ne soit pas exploitée davantage.
Au coeur de cette pièce d’une trentaine de minutes apparaît un duo inattendu. Un danseur et une danseuse s’exécutent sur un extrait bien connu de l’opéra Carmen de Georges Bizet: Les tringles des sistres tintaient. Le couple se retire dans une ambiance moqueuse, sous de longs applaudissements enregistrés. À la fois énigmatique, ironique et bien rythmée cette chorégraphie a soulevé l’enthousiasme du public, vendredi soir.
À noter que Ultraviolet est présenté dimanche après-midi (30 avril), ainsi que la semaine prochaine.
Les Grands Ballets / Ultraviolet
Chorégraphies de: Kristen Céré, Roddy Doble, Lesley Telford et Cass Mortimer Eipper
Au Théâtre Maisonneuve
30 avril: 14h.
4, 5 et 6 mai 20h
Photo d’accueil: scène de la chorégraphie Substrat
Crédit: Sasha Onyshchenko