Elle a des airs de parenté avec certains personnages de Michel Tremblay, la chanteuse incarnée par Benoît McGinnis, dans l’adaptation en français du théâtre musical rock Hedwig and the Angry Inch. Il faut dire que la traduction est de René Richard Cyr qui a lui même été metteur en scène des comédies musicales Sainte Carmen de la Main, ainsi que Demain matin, Montréal m’attend, où sévit l’impitoyable Lola Lee, starlette de la Main !
Sous son énorme perruque blonde, Hedwig (McGinnis) se raconte à travers des chansons, également traduites en français. La protagoniste est aux commandes du groupe Le Pouce en furie; ce nom évoque l’organe génital mutilé d’Hedwig, lors d’une opération de changement de sexe qui a mal tourné.
Un feu roulant
De toute évidence, le comédien est passionné par ce rôle qui a permis à Neil Patrick Harris de briller sur Broadway, dans le spectacle irrévérencieux qui a reçu quatre prix Tony, en 2014.
Durant 90 minutes, McGinnis chante avec conviction. Voix juste et puissante, bonne diction et tout cela en dansant, sans jamais sembler essoufflé… de quoi rendre jaloux bien des chanteurs ! Il y a aussi un côté stand-up car, il interpelle le public.
L’origine de l’amour
Créée à la fin des années 1990, à New York, l’oeuvre de John Cameron Mitchell et Stephen Trask flirtait déjà avec la notion de fluidité de genre. À la fois lubrique et torturée, Hedwig cherche sa moitié… l’être avec qui l’amour serait enfin possible. Ce vaste sujet est d’ailleurs approfondi dans la chanson L’origine de l’amour, basée sur des écrits de Platon!
Une ville coupée en deux
Plusieurs d’entre nous se souviennent de l’histoire rocambolesque d’Hedwig and the Angry Inch, à cause du film, paru en 2001. Rappelons que le personnage central de l’oeuvre change de sexe pour se marier à un soldat américain; le jeune Allemand peut ainsi quitter l’Europe de l’Est pour aller vivre aux États-Unis, en 1988, juste avant la chute du mur de Berlin. Mais, les souvenirs tristes sont tenaces et l’exilé continue de chanter sa jeunesse difficile vécue à Berlin-Est : «Je suis née du mauvais côté d’une ville coupée en deux…»
Une drag queen croate
Les amours passent et Hedwig a un nouveau mari : Yitzhak, une ancienne drag queen de Zagreb, interprétée par Élisabeth Gauthier Pelletier. Cette dernière ajoute son hilarante part de cynisme avec ses envolées vocales sur Une femme avec toi de Nicole Croisille et I will always love you, à la Whitney Houston. Durant tout le spectacle, chaque pièce est mise en valeur, grâce à quatre musiciens sous la direction de Andre Papanicolaou.
Humour gras
Vous aurez compris que ce spectacle n’est pas pour les oreilles chastes. Il y a de nombreuses blagues liées au sexe dont une qui fait directement allusion à Céline Dion. Certains gags tombent à plat. Mais, l’humour est loin d’être le seul ingrédient de cette sauce relevée!
Comique et dramatique
À travers ses propos grivois et parfois obscènes, Hedwig en revient toujours à sa recherche obsessionnelle de l’amour. Grâce au talent de McGinnis, qui est à l’aise autant dans le comique que le dramatique, la vérité de ce personnage irradie! C’est d’ailleurs dans un silence presque religieux que les spectateurs suivent les aventures d’Hedwig et retiennent leur souffle, lors du sommet d’émotion de la scène finale…
Hedwig et le pouce en furie (adaptation en français du théâtre musical rock Hedwig and the Angry Inch)
Avec : Benoît McGinnis et Élisabeth Gauthier Pelletier
Mise en scène et traduction : René Richard Cyr
Au Studio TD, à Montréal, du 26 janvier au 4 février 2023.
Ce spectacle sera aussi présenté en tournée à travers le Québec.