Le temps des Fêtes chrétiennes ramène les conteurs et musiciens de haute culture ou de culture populaire mettant en valeur nos idées chrétiennes de la justice ou de l’injustice face au bonheur idéal! Le jeudi 13 et le mercredi 19 décembre, l’OSM s’entourait des meilleurs pour nous faire rêver . Tout d’abord l’excellent Fred Pellerin qui réincarne le conteur moyenageux avec des relents d’humour paysan jadis entendus dans les aventures saugrenues du Roman de Renart ou les épopées de Rabelais (Gargantua et Pantagruel) mais avec ici une filiation grandiose avec notre plus grand poète vivant encore soit Gilles Vigneault lui-même chanté en rappel de l’Histoire de la semelle composée par Fred Pellerin. C’est une histoire d’injustice et de pauvreté prodigieuse où les enfants trop nombreux trouveront miraculeusement chaussures à leurs pieds pour avancer allègrement dans la vie d’un village et d’un pays imaginaire autour de Saint-Elie de Claxton.
La musique d’accompagnement choisie était justifiée et idéale telle le Lever du jour de Maurice Ravel proposant un chant matinal des oiseaux au village grec du récit mythologique du ballet Daphnis et Chloé pour ouvrir le tableau initial du conte de Pellerin. Pour les moments tristes d’une vie inégalitaire en conditions et perspectives d’avenir, le dernier mouvement de la symphonie pathétique (no.6) de Tchaïkovsky et aussi l’irréalisation la plus bouleversante d’une nature humaine artistique à laquelle se référait la symphonie inachevée de Schubert, mort à 32 ans de syphilis et bourré du talent combiné de Haydn, Mozart et Beethoven en un seul gamin brillant mais né de physionomie lourdaude dans une Vienne aristocratique. Le plus sublime moment musical revenait au choix de l’extrait célèbre de la cinquième symphonie de Mahler choisi au cinéma par Lucchino Visconti pour immortaliser la quête perdue de la jeunesse et de l’amour bleu puisque Thomas Mann (auteur de Mort à Venise,) était du même drame d’ardue quête amoureuse que celui ayant détruit Oscar Wilde.
Mais le conte de Pellerin finit bien, rempli de jeux de mots, donc de calembours bien québécois faisant songer à Sol, ce personnage sublime raconteur que fut Marc Favreau… mais surtout à l’art de la parodie de notre Vigneault de Natashquan, qualités audibles pour qui a su suivre la carrière inégalée du mentor désormais de 90 ans dont s’inspire Fred Pellerin. Le 18 décembre au soir, c’était la haute culture : l’OSM offrait le récit immortel du Christ selon le chef d’oeuvre de Haendel. Toutes les voix solistes étaient superbes, le chœur maximisé avec enfin le
choix judicieux de ses meilleurs éléments choristes les plus habiles et expérimentés. Bien sûr, l’orchestre fort bien dirigé par Paul McCreesh avec Jean Willy Kunz à l’orgue, Hank Knox au clavecin, Paul Merkelo à la trompette, Olivier Thouin au solo de violon enfin la crème de la crème pour un Messie idéal. Des 54 épisodes et récitatifs précédant les plus fameux arias, le chœur a ébloui inoubliablement dans le 26e All we like sheep have gone astray, puis l’extraordinaire ténor Rupert Charlesworth dans le 42 ième He that dwelleth in Heaven nous en a donné des frissons, de même que le baryton Russel Braun dans The Trumpet shall sound and the dead shall be raised incorruptible… émouvant tout autant, enfin le soprano Sarah Wegener irréprochable dans ses six apparitions vocales. N’oublions pas le contreténor Robin Blaze ayant surmonté les difficultés atroces d’une partition qui ne l’a pas peut-être pas vue à la meilleure puissance de sa voix mais avec une résilience admirable.
Au final, un public choyé dans toutes ces grandes productions montréalaises.
L’OSM le MESSIE DE HANDEL
Paul McCreesh, chef d’orchestre (photo)
Sarah Wegener, soprano
Robin Blaze, contreténor
Rupert Charlesworth, ténor
Russell Braun, baryton
Chœur de l’OSM
Andrew Megill, chef de chœur