Onze ans après l’ouverture de la Salle Bourgie qui est devenue un lieu incontournable de la musique classique à Montréal, on se prépare à y vivre une soirée unique. Isolde Lagacé qui dirigeait tout, depuis le début, prend sa retraite et on va lui rendre hommage de façon originale. Au programme : des pièces célèbres de Bach, Vivaldi, Mozart, etc. , interprétées par l’Ensemble Caprice et divers solistes, mais surtout, on cèdera la parole à cette pionnière qui a passé sa vie à créer des événements musicaux. Isolde Lagacé, une vie en musique s’annonce comme le témoignage vibrant d’une remarquable bâtisseuse.
Carte blanche
«C’est Matthias Maute, directeur artistique de l’Ensemble Caprice, qui a eu l’idée de ce concert pour souligner mon départ. Il m’a dit : «on peut tout jouer pour toi, mais ce que je veux, c’est que tu racontes ta vie en musique ! Alors, je me suis demandé, mais est-ce que ça va intéresser les gens ?»
Chose certaine, les Montréalais bénéficient depuis des décennies de l’engagement et la détermination d’Isolde Lagacé. En fait, ses réalisations ont littéralement changé la vie des mélomanes à Montréal. D’une part, elle a su attirer de grands artistes d’ici et d’ailleurs à la Salle Bourgie, réputée pour ses qualités acoustiques. Elle y a mené à bien, entre autres, l’audacieux projet d’intégrale des cantates de Bach et ce malgré la pandémie.
À la tête de Arte Musica, depuis une quinzaine d’années, elle a vu à ce que cet organisme chapeaute la présentation de centaines d’événements musicaux au Musée des beaux-arts de Montréal, qu’il s’agisse de concerts, de conférences, de films, d’ateliers ou de matinées scolaires.
Auparavant, elle a été directrice du Conservatoire de musique de Montréal de 2000 à 2007. Elle a aussi été, de 1992 à 2000, directrice du département des Concerts et de la publicité à l’École de musique Schulich de l’Université McGill, où elle gérait les salles de concert Pollack et Redpath.
Bref, si vous avez l’habitude d’assister à des concerts de musique classique à Montréal, il est fort possible que vous ayez été témoin de la clairvoyance et du dynamisme d’Isolde Lagacé.
L’enfance et la musique
Née à Montréal dans une famille de musiciens, madame Lagacé a choisi, pour cette «carte blanche», des pièces qui ont été déterminantes dans le développement de son amour de la musique.
«Par exemple, à une certaine époque, nous étions six personnes à vivre dans un cinq et demi et il y avait un orgue dans la pièce où nous dormions ma soeur et moi. Mon père en jouait parfois jusqu’à 23h. Mes parents (Bernard et Mireille Lagacé) recevaient beaucoup. Ça discutait ! Même si cela retardait sans doute un peu ma nuit de sommeil, cette situation n’avait rien de négatif pour moi. D’ailleurs, aujourd’hui, quel que soit le niveau du bruit environnant, je n’ai aucune difficulté à dormir !», dit-elle en riant.
Fascinée par l’orgue, dès sa plus tendre enfance, Isolde Lagacé l’est encore aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle on jouera un Concerto pour orgue de Handel, interprété par sa fille Mélisande McNabney.
De Vivaldi, on entendra le Concerto pour deux trompettes en do majeur, RV 537. «C’est associé à un autre souvenir d’enfance rigolo. Quand j’étais petite, mes parents se levaient tard et quand ils ont finalement acheté une télé, ça a changé ma vie ! Le samedi matin, il y avait une émission avec un professeur d’université très sérieux. Je ne comprenais pratiquement rien à ce qu’il disait, mais le thème musical était tiré de ce fameux concerto de Vivaldi et j’étais folle de cette musique rayonnante et joyeuse ! Je restais à l’écoute durant toute l’émission d’une demi-heure, car on rejouait le thème à la fin !»
De Bach, elle a retenu la Cantate BWV 51. «Dès qu’on entendait cette oeuvre, mes parents nous rappelaient qu’on l’avait jouée lors de leur mariage. C’est devenu un symbole si fort que j’ai demandé à ce qu’on l’interprète à mon mariage aussi !»
On le voit, la musique a d’abord été une affaire de coeur pour cette femme qui a pris les grands moyens pour communiquer sa passion aux autres. Diplômée de l’Université de Montréal en musique et en éducation, elle a ensuite étudié en gestion à l’École des Hautes Études Commerciales, sachant bien que l’organisation de concerts relève aussi de l’administration.
Passation des pouvoirs
Les successeurs d’Isolde Lagacé sont en poste depuis juin dernier. «Ça va très bien avec Olivier Godin qui assume le rôle de directeur artistique et Caroline Louis, celui de directrice générale. Mais il n’en reste pas moins, qu’ils doivent composer avec ma programmation pour 2022-2023. C’était donc logique que je sois près d’eux pour cette rentrée.
D’ailleurs, je ne m’en cache pas, j’ai l’intention d’aller aux concerts, à la Salle Bourgie, jusqu’à la fin de l’année. Ce sont mes invités qui seront sur scène. C’est tout naturel d’aller écouter les artistes que j’ai choisi.»
La fin d’une époque
Cela dit, on sent que c’est la fin d’une époque pour cette figure emblématique du domaine culturel montréalais. «Nous avons vendu notre maison à Montréal, en mai dernier. Nous allons bientôt nous installer à Québec où vivent mes enfants. Ce sera la première fois de ma vie que je n’aurai pas de pied-à-terre à Montréal.
Concert d’ouverture – Isolde Lagacé, une vie en musique
Interprètes :
Ensemble Caprice / Matthias Maute, direction
Magali Simard-Galdès, soprano / Mélisande McNabney, orgue / Ilya Poletaev, pianoforte
Isolde Lagacé sera sur scène pour présenter les pièces au programme qu’elle a elle-même choisi (Vivaldi, Handel, Avison (Scarlatti), Mozart et J.S. Bach)
Salle Bourgie / 18 septembre à 14h 30