La tournée internationale Eden, de la célèbre mezzo-soprano Joyce DiDonato, faisait escale à Montréal, cet après-midi. En ce dernier dimanche de janvier sous la neige, la superstar et la vingtaine de musiciens qui l’accompagnent, arrivaient de Californie! Un contraste climatique dont s’est amusée la principale intéressée qui présente justement un spectacle axé sur l’urgence de se réconcilier avec la nature. Très théâtral, ce «récital mis en espace» survole quatre siècles de musique, à travers des œuvres de Gluck, Haendel, Mahler, etc. Le concert s’est terminé avec la participation du Chœur des enfants de Montréal.
Depuis l’arrière du parterre de la salle Wilfrid-Pelletier, DiDonato entonne la mystérieuse The Unanswered question de Charles Ives, en chantant la partie de trompette de cette pièce, comme une incantation sans paroles. Avec sa voix douce et souple, savamment amplifiée, la diva marche lentement dans le noir jusqu’à la scène.
Avant même qu’on ait le temps de l’applaudir, elle enchaîne avec The First morning of the world, de la compositrice britannique contemporaine Rachel Portman. Dans cette pièce, commandée pour l’album Eden, paru l’an dernier, les bois évoquent le chant des oiseaux au premier matin du monde, au fur et à mesure que les lumières s’allument sur scène.
On passe ensuite à Ich atmet’ einen linden Duft, tiré des Rückert-Lieder, des chants pour voix et orchestre composés par Mahler, au tout début du XXe siècle. Sans crier gare, on plonge dans le XVIIe siècle avec une Sinfonia de Uccellini, interprétée avec vigueur par Il Pomo d’Oro, un orchestre d’une vingtaine de musiciens, dirigé par la Bulgare Zefira Valova.
Des allures futuristes
Progressivement, les composantes visuelles du spectacle se déploient sous les éclairages de John Torres. Dans une habile mise en scène de Marie Lambert-Le Bihan, la cantatrice se retrouve sur un petit ilôt légèrement surélevé par rapport à la scène, en présence de cercles lumineux, dont un est incomplet. DiDonato a, entre les mains, la partie manquante qui évoque tantôt un arc, tantôt un instrument de musique, etc.
Même si cette symbolique n’est pas évidente à déchiffrer, elle génère des scènes belles à regarder. La quinquagénaire qui s’est illustrée dans de nombreux opéras, un peu partout sur la planète, interprète avec une grande intensité un extrait de La Calisto de Cavalli. Mais, quel est le lien avec le thème du concert? Difficile à dire car, un problème a entraîné la disparition des surtitres durant une bonne partie du spectacle.
Choeur des enfants de Montréal
Enfin, la diva invite le Choeur des enfants de Montréal à prendre place à ses côtés pour qu’ils interprètent ensemble Seeds of Hope. Cette chanson a été composée par les membres d’une chorale de jeunes londoniens et leur professeur; l’enregistrement a été publié, lors du Jour de la Terre, en 2022. On y lance une mise en garde contre la surconsommation : «All we need is to show some care with the things we consume…».
Avec des gestes synchronisés, une trentaine de jeunes montréalaises et quelques garçons scandent des propos d’actualité liés à l’environnement: «Why should I die? Why?…. No air supply?». Évidemment, on partage leur questionnement, mais il y a quelque chose de suranné dans cette ritournelle consensuelle qui m’a fait penser à la racoleuse We are the world! J’ose croire que ce n’était pas l’effet recherché!
Heureusement, le concert se termine sur une partition d’un tout autre niveau, alors que DiDonato et son choeur montréalais s’unissent pour l’ultime Ombra mai fu (Serse) de Haendel.
En résumé, Joyce DiDonato marie son chant à un message sur l’environnement et l’avenir de l’humanité qui demeure plutôt confus. Avec ses allures de show futuriste, le dispositif scénique laisse perplexe. Il faudrait mieux expliquer le propos. D’ailleurs, ce concept énigmatique n’a attiré que quelques centaines de personnes au parterre de la salle Wilfrid-Pelletier, dont tous les autres étages étaient vides!
Cela dit, la mezzo-soprano, au timbre somptueux et à la forte présence scénique, brille à la fois dans le répertoire baroque et les pièces plus contemporaines, dans un programme audacieux. De ce point de vue, Eden est une réussite.
Ce soir à Québec
Eden avec Joyce DiDonato et l’ensemble Il Pomo d’Oro sera aussi présenté ce lundi soir, 30 janvier, à la salle Raoul-Jobin du Palais Montcalm, à 19h 30.
Crédit photo : Julie Delisle