Avec Jungle Book Reimagined, présentement à l’affiche au Théâtre Maisonneuve, le chorégraphe britannique Akram Khan propose une relecture écologique du célèbre recueil de nouvelles de Rudyard Kipling. Dans cette création qui s’adresse aux enfants et aux adultes, la danse, le théâtre, la musique et l’animation audiovisuelle sont mis à contribution pour raconter les aventures de Mowgli, qui prend les traits d’une petite fille perdue dans la jungle urbaine. Malgré l’ampleur des moyens mis en oeuvre, ce spectacle intense et moralisateur laisse perplexe.
Les humains vus par les animaux
Une toile transparente placée entre la scène et le public permet de projeter des films d’animation, où l’on aperçoit des images de villes inondées. On y voit, entre autres, la Tour Eiffel qui semble voguer à la dérive.
Pendant ce temps, des radeaux transportent des êtres apeurés. Une fillette tombe de l’un d’entre eux : c’est Mowgli. Le film s’interrompt et la scène est envahie par une meute de loups incarnés par des danseurs qui découvrent le corps recroquevillé de l’enfant.
Accompagnée de la panthère Bagheera et de l’ours Baloo, Mowgli part à la recherche de nourriture. Elle est ensuite enlevée par des singes devenus fous à la suite d’expérimentations médicales, puis délivrée par le python Kaa. Ultimement, Mowgli subira la cruauté humaine, en croisant le dernier chasseur resté dans la jungle. Telle une Greta Thunberg, elle retournera auprès des siens pour lutter contre leur sauvagerie.
La danse au second plan ?
Les danseurs de Khan excellent dans les mouvements d’ensemble! L’environnement technologique qui les accompagne contribue à créer des moments d’une grande beauté. On remarquera, entre autres, une très belle scène où une pièce de tissus se soulève, évoquant des flots déchaînés, en symbole du déluge où des animaux sont pris au piège.
Mais, la danse finit par être éclipsée, durant ce spectacle qui s’étire durant plus de deux heures, incluant un entracte. Au bout du compte, ce qu’on retient surtout, c’est le long récit moralisateur et simpliste où l’on n’en finit plus d’accuser l’homme dont la cupidité expliquerait à elle seule toutes les dérives de notre planète. Cet univers, où les animaux sont bons et les humains sont généralement méchants, manque cruellement de nuances !
Trop d’infos en même temps ?
Les nombreux dialogues entre les animaux et Mowgli sont enregistrés en anglais. Le tout est surtitré en français. La traduction des grandes lignes de ce texte dense, projetée sur l’écran, attire évidemment le regard du spectateur qui peine à rester concentré sur le récit. Et puis, avec une dizaine de personnages sur scène, il n’est pas toujours évident de saisir lequel s’exprime à travers ce flot de mots enregistrés! Bref, ce spectacle n’est pas recommandé pour les enfants de moins de 10 ans.
Cela dit, la trame sonore demeure remarquablement percutante avec des bruits synchronisés aux mouvements. Par exemple, un coup de fusil se traduit instantanément par un corps qui se met à convulser. Saisissant!
En résumé, la technologie enrichit Jungle Book reimagined de très beaux effets visuels qui s’apparentent parfois à un dessin animé en noir et blanc. Mais, Akram Khan ne parvient pas à nous émouvoir avec son long discours sur le désastre climatique. Un chorégraphe de cette trempe n’est pas sans savoir que la danse n’a pas besoin d’autant de mots.
Akram Khan Company
Jungle Book reimagined
Direction artistique et chorégraphie : Akram Khan
Textes : Tariq Jordan
Composition musicale : Jocelyn Pook
Direction de l’animation : Adam Smith (YeastCulture).
Interprètes : Maya Balam Meyong, Tom Davis-Dunn, Harry Theadora Foster, Filippo Franzese, Bianca Mikahil, Max Revell, Matthew Sandiford, Pui Yung Shum, Elpida Skourou, Holly Vallis, Jan Mikaela Villanueva et Luke Watson
Présenté par Danse Danse au Théâtre Maisonneuve, jusqu’au 4 novembre