Une première à guichets fermés, hier soir, pour le spectacle Kurios qui est de retour dans le Vieux-Port de Montréal, dix ans après sa création. Cette mise en scène du Québécois Michel Laprise qui a, notamment, travaillé avec Madonna pour sa tournée MDNA en 2012, se distingue des autres créations présentées sous le chapiteau du Cirque du Soleil. Le personnage central de Kurios, un énigmatique chercheur, nous entraîne dans son cabinet de curiosités, ce qui devient le prétexte à un environnement scénique unique, comme si Jules Verne venait à la rencontre de Thomas Edison dans une réalité alternative, hors du temps! Si les numéros ne sont pas tous époustouflants, la grande originalité de ce spectacle nous tient en haleine durant plus de deux heures, où l’on retrouve son coeur d’enfant.
Comique
Parmi les trouvailles de Kurios, il y a ce numéro de cirque invisible qui provoque des éclats de rire chez les petits et les grands. À l’aide d’accessoires qui bougent, on devine les prouesses d’une dizaine d’artistes circassiens, sans les voir! Parmi ces êtres improbables, il y a même un lion prénommé Felipe.
Lors de la création de Kurios, c’était le Québécois David-Alexandre Després qui portait ce moment de «Cirque invisible» sur scène, ainsi que l’hilarant numéro du chat, qu’il avait lui-même conçu, avec l’aide de Michel Courtemanche. Monsieur Després n’est plus de la troupe mais, ses successeurs ont visiblement bien saisi les rouages de son sens du comique irrésistible!
Autre moment mémorable de Kurios: «Le monde inversé». On y voit des personnages prendre part à un repas, alors que la même scène se déroule au sommet du chapiteau, où tout est inversé! Les convives juchés au plafond, la tête en bas, semblent d’ailleurs très à l’aise dans cette posture pourtant inquiétante! Hallucinant!
Défier les lois de l’équilibre
Plusieurs prouesses acrobatiques nous laissent bouche-bée, dont le numéro de rola bola qui vient clore la première partie de la soirée. Comment le Colombien James Gonzales arrive-t-il à maintenir son équilibre en grimpant à une structure plutôt chambranlante de cylindres et de planches? Les spectateurs l’observent assis sur le bout de leur siège jusqu’au derniers instants de cette performance au dénouement électrisant!
Après l’entracte, place à l’«acro net», une discipline développée pour le spectacle Kurios. Essentiellement, les acrobates évoluent sur un filet tendu au maximum et ils sont projetés dans les airs sous l’impulsion des autres artistes. On peut sans doute y voir une sorte d’éloge de l’effort collectif qui permet à l’acrobate d’être projeté à une hauteur qu’il ne pourrait pas atteindre sans la participation de ses collègues. À la fois poétique et spectaculaire!
Après une telle démonstration de savoir-faire, le numéro de yo-yo, entre autres, semble banal. Cela dit, au bout du compte, c’est le caractère original de Kurios qui nous en met plein la vue! En campant le spectacle aux débuts de la révolution industrielle du XIXe siècle, on a réussi à créer un univers rappelant certaines inventions marquantes dont les gramophones, les trains à vapeur, les aéronefs et les montgolfières.
Cette beauté visuelle est magnifiée par la musique des compositeurs Raphaël Bleau ainsi que Bob & Bill. Sur des rythmes parfois swing, parfois klezmer avec des accents de jazz, cinq musiciens et une chanteuse contribuent grandement à la réussite de cette soirée festive!
L’élégance y est aussi incarnée par Mademoiselle Lili qui multiplie les apparitions sur scène. Ce personnage est incarné par l’Australienne Rima Hadchiti qui mesure un mètre et pèse une quarantaine de livres; elle serait l’une des dix plus petites personnes au monde.
Quant au numéro final, Banquine, c’est de la haute voltige! Une quinzaine de circassiens y multiplient les acrobaties et les pyramides humaines vertigineuses! On remarque aussi que des artistes russes et ukrainiens s’en donnent à coeur joie, main dans la main, comme si la magie du spectacle faisait disparaître les conflits!