La comédie musicale «La Géante» est un des meilleurs spectacles de l’année à ne pas manquer. En prime, cette création est entièrement québécoise. On est ému, on rit, on s’émerveille devant cette histoire rendant hommage à Rose Ouellette qui a démocratisé les arts de la scène.
Les huit interprètes sont tous incroyables et intenses à leur façon, livrant un texte et des chansons à la grandeur de cette pionnière. À Joliette puis Victoriaville, achetez vos billets rapidement car le Théâtre de l’Oeil Ouvert annonce déjà des supplémentaires. Montréal devra attendre l’an prochain pour voir ce petit bijou.
L’histoire suit Rose Ouellette de l’âge de 7 ans jusqu’au milieu de sa vie, à travers différentes époques difficiles comme les deux grandes guerres et la dépression des années 30. On apprend beaucoup sur sa bonté, sa générosité, mais surtout son besoin de faire rire au travers tous les drames de la vie. Première femme à diriger deux théâtres, reine du burlesque francophone, elle se moque de ses détracteurs. Elle sourit à la vie, faisant la rencontre de personnes importantes comme les Juliette (Pétrie et Huot), Ti-Zoune, Finaud, et finalement Gigi, celle qui gagne son coeur.
Le texte riche et les dialogues en québécois d’époque de Geneviève Beaudet résonnent bien. Quelle belle idée que d’avoir un narrateur qui rime comme un poète, pour se démarquer des multiples autres personnages. Malgré la grande quantité d’informations, on passe par toutes les émotions, de la tragédie à l’humour physique, mais toujours avec de l’espoir. L’émotivité monte d’un cran après l’entracte, au point d’avoir les yeux plein d’eau par moment.
La mise en scène de Jade Bruneau est brillante en mettant en valeur autant Rose que toutes les personnes satellites qui ont permis de la rendre encore plus géante. Les personnages sont développés en symbiose les uns avec les autres. Les chorégraphies et mouvements rappelant le burlesque apportent beaucoup aux chansons.
Hier soir, la salle était pleine de gens plus âgés qui l’ont bien connu. Il ne faut pas s’attendre à voir une série de sketch comme la Poune les a habitués, mais plutôt le parcours d’une vie. J’étais accompagné par quelqu’un plus jeune qui ne connaissait pas cette période, et elle a beaucoup aimé le spectacle aussi. Il y en a donc pour toutes les générations. On a quand même droit vers la fin à un numéro sur un de ces fameux sketch, avec un beau clin d’oeil à son chapeau de matelot. Ce numéro a d’ailleurs été chaudement applaudi, comme si on l’avait attendu toute la soirée.
Gabrielle Fontaine est tout simplement renversante dans le rôle de Rose. Elle possède la fougue et l’énergie que Rose devait avoir dans sa jeunesse, sans chercher à trop l’imiter. On reconnaît la petite fille pleine de vie dans «Vous faire rire c’est ma vie» (voir le lien en bas pour entendre cette chanson). À la fin, elle m’a donné plusieurs frissons avec son monologue et sa chanson «Mon père». Puis lors du sketch en matelot de la fin, on reconnaît parfaitement les mouvements et les expressions de la vraie Poune.
Le narrateur joué par Simon Fréchette-Daoust est un acteur charismatique et captivant quand il raconte l’histoire et tient le fil conducteur (et conducteur du tramway!). Il chante avec aplomb d’une belle voix chaude avec de beaux graves. Il a quelques solos, comme «Le tramway», où il combine le rythme et les mouvements pour bien captiver notre attention. J’ai aimé quand il chante en harmonie avec les autres en duo, comme dans la chanson de Finaud «Personne».
Jade Bruneau joue à la perfection les deux rôles féminins d’importance de la vie de Rose: sa mère et plus tard son amoureuse Gigi. Pleine de tendresse, elle est toujours très intense. Même avec sa belle voix puissante, elle insuffle une douceur dans ses chansons. Je n’ai qu’un mot pour son solo «Sentinelle»: wow! (Voir le lien plus bas pour un avant-goût de cette chanson)
On sent la fraîcheur et la naïveté de Finaud, l’ami de Rose, dans l’interprétation de José Dufour. Il démontre une énergie et ses talents de danseur dans «Kekun», et une voix magnifique pour tous les registres dans «Personne», à l’aise autant dans les graves que les notes aiguës. Stéphanie Arav est plus effacée dans le rôle Juliette, la comparse de Rose, mais elle offre un beau numéro comique dans la chanson «L’audition».
Philippe Robert en joueur d’orgue de Barbarie offre une performance de jeu unique. C’est un acteur touchant et émouvant avec son petit singe qui prend vie grâce à lui.
Rita Tabbakh (Colette) et Christian Laporte (Gapin) forment un duo mémorable pour toutes sortes de raisons. Représentant l’élite prétentieuse qui a snobé la Poune, ils sont passionnés et très drôles ensemble. Leurs voix s’agencent superbement bien dans leurs numéros, surtout dans l’inoubliable «L’escouade de la moralité».
On a connu Rita Tabbakh pour sa voix («La Voix 2014»), mais là elle montre clairement que c’est aussi une grande actrice. Tout le monde a applaudi son tango «Sorry» qui restera gravé dans ma mémoire grâce à sa voix puissante et expressive.
Le visuel du spectacle est superbe. Les décors sont simples mais d’époque et faciles à passer d’une scène à l’autre. Les costumes sont très harmonieux et les éclairages magnifient bien chaque scène.
La compositrice Audrey Thériault a fait travail magnifique: des chansons accrochantes et bien rythmées, tout en étant adaptées à chaque personnage. Les numéros de groupe sont exceptionnels. J’ai un coup de coeur pour «La factory» sur une musique bien martelée, un peu comme l’introduction de «Les Misérables».
Ils ne sont que trois, mais l’orchestre sonne comme s’ils étaient dix. Les arrangements de Marc-André Perron et la polyvalence des musiciens y sont pour quelque chose. Les harmonies vocales dans les numéros de groupe apportent beaucoup à la qualité musicale, tout comme la sonorisation qui nous fait bien entendre chaque détail.
Le spectacle sur la vie de Rose Ouellette rend hommage à l’émancipation féminine de l’époque avec un petit lien sur aujourd’hui. D’une grande qualité et avec des interprètes de haut niveau, c’est un des spectacles à voir autant pour les générations qui ont connu cette époque que pour les plus jeunes qui y feront de belles découvertes. N’y allez pas pour voir des sketchs de cette grande dame car vous serez déçu. Il faut y aller pour connaître l’histoire d’une Géante attachante. Je recommande fortement «La Géante» qui vous fera rire et pleurer.
Équipe de création
Production: Théâtre de l’Oeil Ouvert
Texte/Paroles: Geneviève Beaudet
Musique: Audrey Thériault
Mise en scène: Jade Bruneau
Direction musicale/Arrangements: Marc-André Perron
Direction vocale: Chris Barillaro
Direction artistique: Jade Bruneau, Simon Fréchette-Daoust
Mouvements (chorégraphies): Pénélope Desjardins
Décors/Costumes: Adam Provencher
Accessoires/Marionnette: Félix Plante
Maquillages: Véronique St-Germain
Coiffures: Kathleen Gravel
Éclairages: Maude Serrurier
Sonorisation: Martin (Plumo) Lessard
Distribution
Gabrielle Fontaine (Rose), Simon Fréchette-Daoust (Cheminot), Jade Bruneau (mère/Gigi), José Dufour (Finaud), Stéphanie Arav (Juliette), Philippe Robert (joueur d’orgue de Barbarie), Rita Tabbakh (Colette), Christian Laporte (Gapin).
Musiciens
Marc-André Perron, Chris Barillaro, François Marion.
Centre Culturel Desjardins (20 Rue Saint-Charles-Borromée S, Joliette)
Salle Les-frères-Lemaire (150 Rue Notre Dame East, Victoriaville)
En 2025: Théâtre Maisonneuve (Montréal)
Présenté en français du 11 juillet au 10 août 2024 à Joliette et du 15 au 31 août à Victoriaville.
Présenté à Montréal le 5 juin 2025.
Billets en vente (59$/28.25$ pour 23 ans et moins) au https://www.lageante.ca
Durée: 2h40 avec entracte
Chanson «Vous faire rire c’est ma vie»: https://vimeo.com/953400373
Chanson «Sentinelle»: https://vimeo.com/953401229
Teaser: https://vimeo.com/953402168
Article sur la conférence de presse: https://lesartsze.com/la-comedie-musicale-la-geante-un-avant-gout-surprenant/
Photos: Annie Diotte