L’Opéra de Montréal termine sa saison avec un spectacle attendu depuis des années! La Traviata, mise en scène par Alain Gauthier et produite en collaboration avec l’Opéra d’Edmonton, l’Opéra du Manitoba, l’Opéra de Vancouver et l’Opéra pacifique de Victoria, devait être présentée à la Salle Wilfrid-Pelletier en 2020, c’est-à-dire, en pleine pandémie! L’attente n’aura pas été vaine! La soprano américaine Talise Trevigne est étincelante dans le rôle-titre de ce célèbre opéra, transposé à Paris dans les années folles (1920). La Traviata de Gauthier est inspirée du personnage de l’iconique meneuse de revue Joséphine Baker, ce qui est évoqué dans les décors et accessoires du spectacle, sans qu’on ait changé la musique de Verdi. Compte-rendu d’une soirée qui a envoûté le public montréalais.
Dès que le rideau s’ouvre, on est transporté dans l’univers mondain de la courtisane Violetta (Trevigne) qui apparaît au sommet d’un escalier spectaculaire! Entretenue par un riche baron, cette artiste de cabaret noire tente de s’étourdir dans le luxe et les plaisirs, pour oublier qu’elle est atteinte de la tuberculose. Lors d’une fête qu’elle donne chez elle, la dame est séduite par Alfredo.
Depuis la corbeille où j’ai assisté au spectacle, on aperçoit quelques accessoires dont la coiffe à plumes de Violetta, qui n’est pas sans rappeler celles de Joséphine Baker. Plus tard, on verra un miroir entouré d’ampoules électriques, comme dans les loges d’artistes.
Durant toute cette soirée en trois actes, on se délecte de la griffe de la scénographe et costumière Christina Poddubiuk, dont l’art est magnifié par les éclairages éblouissants de Kevin Lamotte.
Voix et émotion
En plus de sa belle maîtrise vocale, Talise Trevigne brûle les planches! Elle donne l’impression d’être réellement la traviata, un mot italien qui signifie dévoyée (sortie du droit chemin). Elle sait aussi être bouleversante. Son «Addio, del passato» m’a tiré les larmes des yeux!
À ses côtés, Antoine Bélanger a mis du temps à s’imposer en Alfredo. Il faut dire que le ténor québécois a remplacé Rame Lahaj, à quelques jours d’avis. Heureusement, le chanteur a gagné en assurance, à partir du deuxième acte mais, a-t-il la puissance vocale pour habiter pleinement cette immense salle?
Quant au baryton James Westman, il est imposant vocalement dans le rôle de Giorgio, père d’Alfredo. Le chanteur ontarien a d’ailleurs été chaleureusement applaudi, à la fin de la soirée, malgré son rôle ingrat. Rappelons que Giorgio pousse Violetta à rompre avec son fils car sa liaison avec une courtisane est un scandale qui rend impossible le mariage de la jeune sœur d’Alfredo.
La mise en scène d’Alain Gauthier est efficace. Solistes et choristes s’intègrent harmonieusement à l’histoire. L’usage du grand escalier est judicieux.
Par contre, on s’interroge sur le jeu du docteur Grenvil (baryton-basse québécois Jean-Philippe Mc Clish). Alors qu’il vient de rassurer Violetta sur son état de santé, il révèle presque nonchalamment à sa servante que madame n’en n’a plus que pour quelques heures à vivre. Sa désinvolture a eu pour effet qu’une grande partie du public a éclaté de rire, en ce moment des plus tragiques de l’opéra!
Rappelons que le décor splendide et la distribution n’ont rien à voir avec l’affiche qui est au coeur de la campagne de promotion de ce spectacle. Décidément, les lois du marketing semblent actuellement impénétrables!
Enfin, l’Orchestre Métropolitain, dirigé par Jordan de Souza, interprète cette partition avec moultes nuances, contribuant à mettre les voix en valeur, en plus de nous faire voyager dans la large palette d’émotions de cet opéra de près de trois heures incluant deux entractes.
Bref, une grande réussite qui a tout pour plaire à la fois aux habitués de l’opéra et aux néophytes!
La Traviata
Talise Trevigne (Violetta), Antoine Bélanger (Alfredo), James Westman (Giorgio Germont), Ilanna Starr (Flora), Geoffrey Schellenberg (Marquis), Angelo Moretti (Gastone), Mikelis Rogers (Douphol), Jean-Philippe Mc Clish (Grenvil)
Choeur de l’Opéra de Montréal / Orchestre Métropolitain, Jordan de Souza, dir.
Mise en scène : Alain Gauthier / Scénographie et costumes : Christina Poddubiuk / Éclairage : Kevin Lamotte
Salle Wilfrid-Pelletier, les 4, 7, 9 et 14 mai 2024 à 19 h 30
et le dimanche 12 mai 2024 à 14 h.
*En italien avec surtitres français et anglais