Pour quiconque trouve une fonction lénifiante à la musique lorsqu’on a perdu un être
cher ou un goût momentané de bien vouloir persévérer au travers des déconvenues de
l’existence, un programme de Requiem (Cherubini), de Stabat Mater (Verdi) se
terminant sur le jovial Gloria du resplendissant Francis Poulenc ne peut pas mieux
tomber! Le choeur classique de Montréal dirigé d’austérité et de rigueur par Louis
Lavigueur a montré une ambition et une persévérance à s’attaquer à des oeuvres
difficiles d’exécution que le jeune ensemble symphonique dit Orchestre des Jeunes de
Montréal a sustenté avec vaillance.
Le chef de choeur et d’orchestre Louis Lavigueur fait figure, en effet, d’homme
sensible et cultivé comme le sont George Nicholson et Edgar Fruitier par exemple,
avec l’humour d’agrément en plus à ajouter au naturel des deux derniers hommes
évoqués ici. C’est un plaisir d’écouter, en préambule d’exécution des oeuvres, le
raffiné Louis Lavigueur parler avec mesure et flair de la musique qu’il affectionne
et choisit d’imposer à ses disciples avec finalité de représentations nulle part
ailleurs qu’à la Maison Symphonique: il y résume bien les oeuvres en leur pertinence
ou valeur musicologique tant dans le défilé du progrès historique que de
l’esthétique musicale les caractérisant. Ensuite, il nous tourne le dos pour diriger
et on imagine avec amusement son oeil sévère suivi peut-être par quelques-uns de ses
obéissants choristes capables d’avoir à la fois l’oeil sur la partition et sur sa
gestuelle de chef un tantinet autoritaire, Ses choristes et jeunes musiciens
finiront par trouver un sourire, une aisance relâchés au terme de leur exploit
téméraire soit le savoureux Gloria de Poulenc. Au terme d’un concert bien exécuté
renfermant l’inspiration, la signification et la portée des oeuvres, on ne peut que
convenir que le travail est bien fait: le style des oeuvres chantées, leur
esthétique surtout est respectée. Il en résulte une satisfaction réelle chez tous
les auditeurs même les plus néophytes, car la substance émotionnelle découle
authentiquement du contenu expressif qui est bien véhiculé. La soliste québécoise et
soprano Kimy McLaren s’est correctement acquittée de ses parties solistes sans
défaillance de justesse sonore quoique l’amplitude à donner ou insuffler au son
aurait pu faire l’objet de plus d’étalage ce qui au terme récent d’un concours vocal
à Montréal ne pouvait qu’être le résultat d’une écoute attentive peut-être trop
enivrante de trente-huit chanteurs et chanteuses solistes ayant tendance fort à
propos à en offrir plein les sens. Un album de mademoiselle McLaren était également
en vente à la fin du concert (NMM025), un album où le pianiste-accompagnateur et
professeur Michael McMahon l’accompagne. Le disque est intitulé Amours vécues
(bravo pour le pluriel féminin tous ces compositeurs les ayant vécues avec des
femmes!). En offrant avec une diction assez nette du Gabriel Fauré (La Bonne
Chanson), du Berlioz, du Massenet, du Chausson et du Debussy de niveau acceptable,
mademoiselle McLaren séduira une partie appréciable de son auditoire français qui
lui procure de nombreux engagements dans l’Hexagone. Pour les trois chansons
d’Ernest Chausson, compositeur français et aristocrate musical sans pareil qui
mériterait que des albums d’intégrales lui soient consacrés, à titre de seul
exemple, une comparaison de l’opus 2 no.6 intitulé Hébé chanté par l’incomparable
soprano Christine Schäfer accompagnée par le pianiste exceptionnel Irwin Gage
(DG459682-2) remet en perspective l’interprétation honnête qu’en rendent Kimy
McLaren et son sobre accompagnateur si utile au développement universitaire de l’art
lyrique français, tout au long des années universitaires montréalaises où j’ai la
joie d’entendre ses élèves et protégé(e)s.