L’Orchestre métropolitain fraîchement rentré de sa tournée triomphale en Europe accompagnait jeudi soir 14 décembre le pianiste Serhyi Salov . Il était dirigé à la Maison Symphonique par le jovial chef viennois Christoph Campestrini. Le public, ému du triomphe récent de l’orchestre dans les plus grandes salles d’Europe a chaudement ovationné l’ensemble qui le mérite hardiment.
Quiconque a entendu l’orchestre dans son affinement constant, clairement audible depuis 2000-2001 que Nézet-Séguin l’a pris en main, enfin chacun ne peut que constater la qualité d’interprétation de l’ensemble, sans oublier ses réussites sur disque. Ce progrès tient surtout à la ferveur l’animant. Il est temps de remettre les pendules à l’heure à propos de la qualité sonore de l’ensemble: en ajoutant une dizaine de musiciens au quatuor à cordes, le Métropolitain (qui supplante depuis très longtemps et déjà largement la qualité d’interprétation de l’orchestre national des arts d’Ottawa) se hissera aisément au palmarès canadien bien au-delà du Toronto Symphony et il confirmera immédiatement le niveau international de ses prestations.
J’ose croire que, réagissant à cette émulation, on trouvera à l’OSM une réponse moins surfaite de prétention à la suprématie musicale, je parle en ce qui a trait à la direction de cet ensemble qui lui se cherche un chef qui puisse véritablement le diriger vers le dépassement. Hier soir, la Maison symphonique était remplie du public de l’orchestre métropolitain, un public encore jeune avec une moyenne d’âge de vingt ans moindre que celui fort grisonnant de l’OSM. Mieux encore, si on veut faire preuve de bonne foi, en prêtant attention à cette sensation d’intuition musicale perçue en 2007-2008 à l’effet que Yannick Nézet-Séguin- parvenu candidement à la séduisante tête de l’orchestre métropolitain- avait manifestement supplanté l’OSM en qualité sonore et en richesse d’interprétation, je me suis rappelé encore une fois la richissime interprétation d’une septième de Bruckner entendue et enregistrée live à l’Église du Très-saint-Nom de Jésus, rue Adam.
Cette soirée, d’acoustique éblouissante, m’avait ravi et incontestablement convaincu de ce fait musical confirmé quelques saisons plus tard vers 2010: par sa passion et son coeur au ventre, l’orchestre métropolitain valait déjà bien mieux que l’orchestre symphonique de Montréal, victime certain soir lugubre de panne d’inspiration quasi totale. L’Orchestre Métropolitain montait alors peu à peu au zénith de son destin musical encore à atteindre. Rappelons-nous en! Pendant que la Maison Symphonique voyait poindre le jour de sa naissance, seul encouragement à l’horizon d’une époque musicalement troublante, l’OSM se cherchait malhabilement des convictions intérieures que l’ensemble, musicalement estropié, n’avait plus. Le public aussi était en attente d’une confirmation solide visant à chasser ses hésitations criblées de doutes rémanents à l’effet de ressentir une conviction intérieure que la stature adéquate du remplaçant désigné était la bonne.
Avait-on trouvé un remplaçant à celui que le syndicat de l’orchestre avait humilié par médias interposés (ce qui était un odieux étalage de mesquineries inqualifiables ne pouvant que déteindre sur la réputation de l’ensemble en ses membres et parties sans décorum ni cohésion parvenus à la limite de l’indécence). La réponse ne vint jamais à cette affreuse question trop sincère sans doute.Tout récemment, soit le samedi 9 décembre dernier, par une entrevue parue au Devoir, le public montréalais lisant encore les journaux (10 pour cent du monde me dit-on sur un ton cynique?!!) a pu se rendre compte que cette indécence de comportement à l’OSM n’avait quasiment pas de bornes d’ignominie, une attitude de ravalement des musiciens nôtres à l’exclusion et au mépris.
Il est temps que les perceptions prennent acte de ce niveau d’odieux et qu’on se ressource à la musique qui sourd véritablement de nos ensembles musicaux tels qu’on les entend dans leurs programmes conçus par leur direction artistique respective. On verra pourquoi et comment l’ennui dévaste parfois la salle de concert de la Maison Symphonique (je ne parle pas des pensums de musique contemporaine assénés au public, jusitifés à l’honneur de tel anniversaire local) et comment le public fuit des programmes ennuyeux avec des solistes mal choisis revenant sans cesse et provenant des mêmes agences artistiques new-yorkaises. Quelle mainmise sur notre monde musical, désolant colonialisme auquel n’obéit pas l’Orchestre métropolitain de Nézet-Séguin, lui, lorsqu’ils choisissent un interprète pour son talent réel et non de surfaites réputations, un scandale quand on considère la quantité de jeunes interprètes de talent en attente de reconnaissance ou de contrat mettant en branle une carrière méritée. Hier soir, rien de toutes ces affolantes réalités pour désoler la soirée des mélomanes.
Le programme du concert de l’OM était tout pétri de réjouissances et de reprise de contact avec le grand talent des musiciens solistes de l’orchestre entre autres Michel Bettez basson solo, Marie-Andrée Benny flûte solo, le harpiste Antoine Chénier-Mallette pour ne nommer qu’eux. Plus encore, tous ont été amenés à constater à quel point le pianiste virtuose Serhyi Salov avait atteint une impressionnante maturité. Il reste à espérer que lui-même en soit une fois pour toutes très conscient. À l’âge de 38 ans, le pianiste virtuose Serhyi Salov luit de ses dons de plus en plus radieux. Nous le suivons depuis son grand premier grand prix au concours international de musique de Montréal en 2004 alors qu’il était pétri de ce fantasque de la jeunesse gonflée de talent (Salov a fini premier bien avant le Français David Fray, récipiendaire d’un 2ième prix l’ayant amené, lui, très loin dans la carrière soliste). Salov qui réside ici parmi nous, a toujours ébloui par ses dons techniques, mais cette fois, ce qui a frappé hier l’imagination et le coeur du public ce sont la maturité et la profondeur de son élan poétique bouleversant avec l’énonciation poignante de cette attendrissante mélodie et thème du second mouvement du concerto no.2 pour piano et orchestre de Dimitri Chostakovitch, concerto jadis écrit par le compositeur pour son fils Maxime. Et que dire de la forme technique remarquable de Serhyi Salov aux premier et troisième mouvements ?
En tournée en Amérique latine, il y a deux ans avec le second concerto de Liszt dans lequel l’autre orchestre de Montréal l’accompagnait, sa dextérité et puissances demeurent en constantes ascensions, lui qui persévère à affiner tant son art que ses études musicales sans oublier qu’il mène de front une carrière internationale de soliste. Salov n’est-il pas en train de nous faire songer qu’à force de travail et de persévérance il se hisse au niveau du grand Sokolov? Ce n’est pas peu de chose comme accomplissement musical. Pour le reste, je me dois de mentionner une défectuosité des indications au programme de l’OM hier soir en ce qui a trait à l’énumération des mouvements des oeuvres seulement opérée page 3. Pour éviter les applaudissements interrompant -par insécurité du public- l’exécution des oeuvres, il faut que les pages 6,7,8 et surtout 9 comportent elles aussi le détail précis des mouvements. Le public mérite une clarté d’instruction à chacune des pages puisque l’éducation et l’instruction sur les formes musicales est rare de nos jours, et qu’elles doivent instruire des variantes dont seulement les connaisseurs et les mordus du piano classique sont au courant.
Le chef Christian Campestrini a fait preuve d’une grande alacrité passionnée en dirigeant la suite pour orchestre La belle au bois dormant de Tchaïkovsky et des valses viennoises des deux fils Josef et Johann Strauss (sans parenté avec Richard Strauss). En attendant le retour, dans une semaine exactement, pour le Messie d’Haëndel, de maestro Nézet-Séguin, ce furent les premières heures de réjouissances, nul doute que le 22 décembre au soir, un certain délire s’emparera de tout ce beau monde. Soyez-en!
Photo: Julie Beauchemin