La pièce Les enfants de la Britannique Lucy Kirkwood, à l’affiche chez Duceppe, est inspirée des ravages de l’explosion nucléaire de Fukushima au Japon et soulève un dilemne moral. Des aînés incarnés par Chantal Baril, Germain Houde et Danielle Proulx seront déchirés entre le désir de profiter de leur retraite et la volonté de passer à l’action pour laisser un environnement plus sain à leurs descendants. Alliant la parole aux actes, le Théâtre Duceppe présente cette pièce sur l’écologie dans un décor écoresponsable, intégrant des éléments de seconde main.

Photo : Caroline Laberge
Pratiquement tout se passe dans le chalet isolé où s’est retiré le couple d’ingénieurs (Proulx-Houde) qui reçoit la visite inattendue d’une ex-collègue (Baril). «Dehors, le chaos règne depuis qu’une série d’événements dévastateurs a endommagé la centrale nucléaire voisine», mentionne le programme du spectacle. Mais, on ne sent pas ce climat inquiétant sur scène, où on passera près de la moitié de la pièce à bavarder bien tranquillement, avant d’arriver au coeur du sujet.
La vie perd-t-elle de la valeur avec le temps ?
En fait, la visiteuse, Rose, a décidé de retourner travailler à la centrale nucléaire, dans le but d’utiliser sa longue expérience pour limiter les dégâts qui continuent de s’aggraver depuis l’explosion. Elle sait que, sur place, l’air la tuera, mais elle dit être prête à ce sacrifice pour permettre aux jeunes ingénieurs de quitter cet enfer et cesser d’hypothéquer leur vie qui commence. Comme les problèmes sont multiples, elle demande à ce couple d’amis de se joindre à elle. Rose n’a pas d’enfant, mais le couple, oui. Robin et Adèle abandonneront-ils leur progéniture pour mourir en tentant de corriger un désastre environnemental ?
Nous sommes âgés et nos vies ont par conséquent moins de valeurs que celles de ceux qui sont jeunes, dit, Rose, en substance. C’est sur ce jugement fort discutable, voire discriminatoire, que l’autrice a construit sa pièce, en terrain pour le moins glissant.
C’est sans doute pour tenter d’atténuer cette énormité que Kirkwood brouille un peu les pistes. En effet, on peut s’interroger sur les véritables intentions de Rose, car on apprend qu’elle a toujours voulu une relation amoureuse avec Robin (Houde) et que, de ce fait, elle a même souhaité la mort d’Adèle (Proulx). Ce retour au travail lui permettrait donc de se rapprocher de son bien-aimé et ultimement la délivrerait de ses démons, puisque tous les trois mourraient assurément dans l’air toxique de la centrale.
L’autrice mise aussi sur le sentiment de culpabilité pour la génération qui a construit la centrale. Mais, imaginerait-on, un instant, la possibilité de faire payer aux plus jeunes générations les dérives environnementales et autres liées, par exemple, aux ordinateurs, tablettes, téléphones cellulaires, etc ? N’est-ce pas là un type de questionnement plutôt stérile et susceptible d’accentuer encore les divisions entre les générations ?

Crédit photo : Caroline Laberge
Mise en scène et décor
Le récit progresse lentement durant ce spectacle plutôt terne d’une heure 45, où la mise en scène de Marie-Hélène Gendreau peine à dynamiser ces longues discussions à deux ou à trois, malgré l’indéniable talent des comédiens. Les enjeux évoqués sont sérieux, voire apocalyptiques, pourtant, il n’y a pas de nervosité sur scène. On aurait pu, par exemple, développer un environnement sonore et des éclairages percutants pour traduire le chaos qui est sensé régner depuis l’explosion nucléaire.
L’un des rares moments où ça bouge un peu, c’est lorsque les trois amis se mettent à danser sur une bonne vieille chanson de Nanette Workman : Donne, donne. Est-ce que ce seront là leurs derniers instants de légèreté avant d’aller mourir en tentant de réparer les erreurs de leur génération ? «Pour toi j’irai n’importe où
Pour toi je ferai des jaloux Ce soir il n’y a que nous Ce soir on oublie tout», chante l’inoubliable Nanette. La sympathique chorégraphie traîne toutefois en longueur.
Pour ce qui est du décor, tant mieux s’il peut être recyclé, récupéré, mais fallait-il qu’il soit à ce point au premier degré ? Un mur, une armoire, une table… si prévisibles ! D’ailleurs, au bout du compte, on quitte la salle sans image mémorable en tête, ni même une phrase frappante illustrant la menace qui gronde sur notre planète. Dommage !
Les enfants
Texte : Lucy Kirkwood
Mise en scène : Marie-Hélène Gendreau
Traduction : Maryse Warda
Interprétation : Chantal Baril, Germain Houde, Danielle Proulx
Décor : Marie-Renée Bourget Harvey
Théâtre Duceppe, jusqu’au 28 mars 2020
Durée : 1h45 sans entracte