Le théâtre musical Lili St-Cyr nous entraîne à l’époque où la légendaire effeuilleuse américaine enflammait les nuits de Montréal, dans les années 1940. Marie-Pierre Labrecque se glisse avec grâce dans la peau de cette reine du burlesque, entourée, entre autres, de Lunou Zucchini, Roger La Rue et Kathleen Fortin, dont les personnages ne s’en laissent pas imposer! Inspirée de faits réels, cette création de Mélissa Cardona et Kevin Houle flirte avec la fiction sur fond de paillettes et d’ambitions de voir son nom écrit au néon en lettres géantes!

Crédit: Hugo B Lefort
Avec son petit accent américain, Marie-Pierre Labrecque (Lili St-Cyr), donne le ton à la soirée, en chantant : «Rien n’est gratuit! Surtout pas ma compagnie!» La «sex-symbol» a du cran, mais elle devra néanmoins faire face à l’adversité.
D’abord, lorsque Lili St-Cyr s’impose sur la marquise du Théâtre Gayety (là où se trouve aujourd’hui le TNM), elle bouscule la vie de Sophie (Lunou), une chanteuse qui rêve de voir son amoureux, (Maxime Denommée), gérant du Gayety, lui donner enfin sa chance. La jeune Montréalaise sera toutefois amèrement déçue mais, elle finira par prendre sa revanche.
Plus encore, la star des cabarets montréalais doit composer avec la fougueuse Jessie (Kathleen Fortin). Inspiré de la première conseillère élue à l’hôtel de ville de Montréal (Jessie Kathleen Fisher), ce personnage combat le vice, dans l’espoir de persuader les Montréalais de la réélire. C’est dans cet esprit qu’on interdira aux artistes de quitter la scène avec moins de vêtements qu’à leur arrivée. Mais, Lili en a vu d’autres et pour contourner ce règlement, elle offre un striptease inversé! Elle commence son numéro assise dans une baignoire et elle s’habille progressivement.
Chansons de Piaf
Les musiques préenregistrées de Kevin Houle font habilement écho à l’âge d’or des cabarets, avec des mélodies parfois légèrement jazzées ou teintées de blues. Cela dit, il y a bien peu de chorégraphies dans ce spectacle et ce qu’on retient surtout du côté musical, ce sont les magnifiques interprétations de chansons de Piaf par Lunou. Le répertoire de la môme lui va comme un gant! Malheureusement, la superbe L’accordéoniste est éclipsée par des choix du metteur en scène, Benoit Landry, qui fait parler deux personnages pendant que Lunou chante en faisant dos au public!
Un côté comique
Ce théâtre musical d’une durée de deux heures 20 minutes, incluant un entracte, a aussi un côté comique. Dans ce registre, Roger La Rue est épatant! Il interprète de nombreux personnages, dont le propriétaire du Gayety, ainsi qu’un animateur de radio un peu fourbe et même une hilarante téléphoniste! Un feu roulant!
Histoires d’amour
Durant ses séjours à Montréal, Lili St-Cyr a eu quelques relations amoureuses, notamment, avec l’ex-joueur de hockey Jimmy Orlando qui était devenu le gérant du cabaret montréalais El Morocco, féroce compétiteur du Gayety. Stéphane Brulotte est excellent dans son rôle d’amant infidèle. De plus, il interprète avec aplomb El Morroco, une chanson fort bien tournée, dont la musique rappelle un peu le style de l’indémodable Heartbreak Hotel d’Elvis Presley.
Quant à Maxime Denommée, on peine à croire à son personnage de Thomas, gérant de club, tellement il se montre doux et hésitant; des qualités qui étonnent de la part d’un homme qui ira jusqu’à retirer de la marquise du Gayety, le nom de sa femme pour le remplacer par celui de l’impudique Lili! Cette volte-face aura-t-elle raison de son mariage avec Sophie (Lunou) ?
Ajoutons que tout ce beau monde évolue dans un décor, plutôt minimal, fait de petites structures métalliques qui évoquent sans doute vaguement le Red Light montréalais.

Crédit: Hugo B Lefort
Malgré quelques bémols, on ne peut que se réjouir devant cette création québécoise soignée qui réunit des artistes de grand talent, à la fois comme comédiens et chanteurs. Le théâtre musical Lili St-Cyr a aussi le mérite d’évoquer tout un pan de notre histoire, en alliant intrigues et sensualité, ce qui en fait un divertissement léger et de bon goût.
Lili St-Cyr
Texte: Mélissa Cardona / Musique: Kevin Houle
Mise en scène: Benoit Landry
Avec: Marie-Pier Labrecque, Lunou Zucchini, Kathleen Fortin, Maxime Denommée, Roger La Rue et Stéphane Brulotte
À la salle Kingsey, à Kingsey Falls / Détails