Lorraine Pintal annonce que 2024 est sa dernière année à la tête du Théâtre du Nouveau Monde qu’elle quittera en août prochain. Directrice artistique et générale du TNM depuis 32 ans, la dame de 72 ans précise que l’idée de tirer sa révérence lui trottait dans la tête depuis quelques années déjà.
Voici l’essentiel de la lettre où madame Pintal résume les raisons qui l’amènent «à baisser le rideau sur trois décennies de travail passionné…»
Comment vous dire adieu ?
Comme le chantait Françoise Hardy qui a bercé mes nuits d’adolescente déjà conquise par l’art et animée par cette quête d’absolu qui m’habite encore aujourd’hui, le temps des séparations est un moment auquel on doit faire face un jour ou l’autre.
La vie et ses multiples rebondissements nous font signe en coulisses et nous soufflent à l’oreille que le rideau tombera pour une dernière fois.
Toutefois, on ne quitte pas une institution théâtrale de l’envergure du Théâtre du Nouveau Monde comme dans la chanson. Cela demande de la finesse, du doigté et du respect pour des milliers de personnes qui en ont fait leur maison de théâtre et pour un nombre impressionnant d’artistes qui ont littéralement brûlé ses planches avec fougue et talent.
La décision de mettre fin à mon mandat de direction artistique et générale a germé dans mon esprit il y a quelque temps.
Mais comment et quand dire adieu ?
J’ai souvent déclaré que le TNM n’était pas un paquebot flottant sur une mer tranquille, mais plutôt un voilier voguant sur des eaux agitées.
En bonne capitaine, on n’abandonne pas un navire amiral alors qu’une pandémie planétaire oblige les théâtres à fermer leurs portes. On ne largue pas un théâtre en pleine cure d’agrandissement avec comme rêve d’offrir aux artistes émergents la nouvelle salle Réjean-Ducharme imaginée et créée pour elles et eux. On ne lâche pas prise alors que l’inflation, la pénurie de ressources humaines, la précarité des artistes et la baisse du public ébranlent les fondements mêmes de notre art.
Bref, on se roule les manches, on continue à marcher devant, on bataille pour une meilleure rémunération des employés, des artisans et des artistes, on se bat pour qu’il y ait de plus en plus de jeunes dans les salles, on invente mille manières de renforcer le lien entre l’art et le milieu des affaires et j’en passe.
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Puis, vient un jour où la route que l’on a pavée pour la création, la parole des femmes, la diversité des pratiques, la circulation de l’art et des idées autant au Québec qu’à l’étranger, la sensibilisation du jeune public, la citoyenneté culturelle, l’écoresponsabilité, l’accessibilité universelle, bref, la route qu’on a tracée est fréquentée par une génération montante dont la soif de créer et d’exister est insatiable. On laisse la place à un souffle puissant de changement, de renouveau, de transformation.
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Je souhaite au TNM pour les cent prochaines années de préserver les coups de tête de Jean Gascon, la démesure de Jean-Louis Roux, la lumière d’André Pagé, la ténacité d’Olivier Reichenbach et poursuivre la quête de dépassement qui m’anime depuis les cinquante années que je pratique le plus beau métier du monde.
En conclusion, je lui souhaite de demeurer vivant.
La succession
Lorraine Pintal tirera sa révérence le 30 août prochain mais, elle demeurera disponible pour assurer «une transition harmonieuse», jusqu’à la fin de l’année 2024. Dans un communiqué, le conseil d’administration du TNM ajoute qu’il «se penchera prochainement sur le processus de succession et en fera l’annonce publiquement.» En fait, deux personnes devraient succéder à madame Pintal, directrice artistique et générale du TNM, puisque ce théâtre a adopté, en 2023, une nouvelle structure prévoyant deux codirections, soit artistique et administrative.
À suivre.