Pour sa plus récente saga historique familiale, Jean-Pierre Charland nous propose le premier volet de Maître chez soi – Tome 1, Le déracinement, aux éditions Hurtubise. Cette histoire se passe en 1961, alors que la famille Chevalier aménage en ville à Verdun, en provenance de la campagne où le père doit faire le deuil de la vente de sa ferme et apprendre à vivre en ville. On suit également l’adaptation des deux adolescents Antoine et Marie-Paule, à la vie dans une grande ville. Le dénouement de cette saga dans le tome 2 sera disponible dès le 5 avril 2023.
Résumé : 1961. Aux prises avec des difficultés financières, Romain Chevalier doit vendre sa ferme de Grand-Saint-Esprit pour occuper un emploi d’homme de ménage à l’hôpital Christ-Roi, à Verdun. Si Romain se désole tout d’abord de ce déclassement social, des expériences inédites le feront rapidement changer d’idée. De son côté, sa femme Viviane est ravie de se rapprocher de son frère aîné, le curé de la famille. Mais ce dernier ne voit pas cette promiscuité d’un bon œil. Quant aux enfants du couple, Antoine et Marie-Paule, ils sont très heureux de leur nouvelle vie en ville malgré certaines appréhensions initiales. Le jeune homme passe ses temps libres à travailler, lire et sortir avec des amis avant de compléter son cours classique à la rentrée. Sa sœur, qui aspire à devenir enseignante, fait ses premières armes sur le marché du travail à titre de gardienne et remporte un joli succès à la piscine municipale. Malgré ce tableau en apparence idyllique, les Chevalier réussiront-ils à faire oublier leur statut de campagnards?
On peut dire que ce roman porte bien son nom. Apprendre à être maître chez soi et se sentir bien dans son nouvel habitat, quand on a été déraciné de son environnement, sa campagne. C’est ce que vit la famille Chevalier au quotidien. Avec comme seule personne qu’ils connaissent à Verdun c’est le frère de Viviane Chevalier, qui est le curé de leur nouvelle paroisse. C’est en fait grâce à lui s’ils ont trouvé un logement peu dispendieux et un travail pour le père et même pour la jeune Marie-Paule. Il est là également pour aider les adolescents à pousser fort dans leurs études.
Dès les premières pages, on s’attache à ces personnages sympathiques, travaillants, studieux et prêts à tout pour s’adapter et améliorer leur sort. La seule personne qui est moins sympathique est la mère Viviane qui semble avoir tous les défauts : envie, jalousie, peu confiance en ses enfants, et très peu disposée à aider son prochain ou même se faire des amies. C’est principalement le personnage qui freine le bonheur des Chevalier et qui se plaint de tout. Une chance qu’on entend moins parler d’elle dans le roman que des autres personnages.
Comme dans tous ses romans historiques, Jean-Pierre Charland nous brosse un portrait détaillé et imagé des années 60, en nous racontant comment vivaient les gens de la classe ouvrière en particulier et la distinction qu’il y avait avec les gens plus nantis. Encore sous la gouverne de la religion, mais avec le début de la télévision qui prend de plus en plus de place dans les maisons et les mœurs qui s’émancipent un peu plus et les femmes qui prennent de plus en plus leur destin en main.
On aborde les loisirs principaux de l’époque, comme aller au cinéma et prendre une collation au petit restaurant du coin par la suite, agrémentés parfois de promenades, ou de magasinage.
Je trouve cela fascinant de voir que déjà, à Verdun en 1961, une grande portion de la population parlait en anglais, que les commerces avaient des affiches souvent en anglais plus qu’en français. C’était un gros contraste avec la campagne, mais aussi, assez révélateur de ce qu’est la grande région de Montréal encore aujourd’hui.
Il est intéressant de revisiter les émissions de télévision des années 60, et des films à l’affiche au cinéma à cette époque. Moi qui suis une grande amatrice de films, je me suis émerveillée de toutes ces descriptions de longs métrages.
J’ai adoré voir la relation amicale et solide qu’entretiennent Antoine et Marie-Paule. Cela m’a fait beaucoup penser à la relation entre mes deux enfants et je me suis prise d’affection pour ces deux adolescents très sérieux envers leur avenir.
Il y a également la relation d’entraide et de support que Romain Chevalier apporte à Rosita, la patiente de la chambre 223 de l’hôpital où il est le concierge. C’est très émouvant de voir cette relation platonique, basée sur le soutien, la compagnie et l’entraide, évoluer.
On aborde aussi des sujets plus tabous, controversés à cette époque, comme l’avortement, le suicide, le divorce. J’aime que le curé et le médecin, dans cette histoire, soient des hommes assez ouverts d’esprit, alors que normalement en 1961, les gens étaient beaucoup fermés et bornés avec plein de préjugés.
Au final, ce roman est captivant et émouvant à lire, pour sortir de notre quotidien et se remémorer les années 60. J’ai déjà hâte de lire la suite dans le tome 2 qui sortira le 5 avril prochain.
Né en 1954, Jean-Pierre Charland a connu une prestigieuse carrière universitaire jusqu’à sa retraite, en 2014. Une dizaine d’années plus tôt, il s’était mis à publier, au rythme de deux ouvrages par an, des romans historiques ayant pour cadre le Canada français des 19e et 20e siècles. Son cycle des Portes de Québec (15 tomes de 2007 à 2019) demeure la fresque historique la plus imposante jamais publiée au Québec et a fait de l’auteur une référence dans le domaine.
Écrivain prolifique et bien-aimé du public, il n’hésite pas à se renouveler en proposant une série policière d’époque avec le personnage d’Eugène Dolan ou en évoquant la vie d’une figure aussi controversée que celle d’Eva Braun. Auteur incontournable du genre, il continue à multiplier chez Hurtubise les séries à succès, parmi lesquelles Félicité, Sur les berges du Richelieu ou encore Odile et Xavier. Sa dernière nouvelle grande série a pour titre La Pension Caron et propose une passionnante incursion dans le Québec des années 1930. À ce jour, ses romans se sont écoulés à près de 900 000 exemplaires au Québec et en France. En 2021, Jean-Pierre Charland sort des sentiers battus et fait une incursion dans le roman post-apocalyptique avec Après, et explore le voyage temporel avec la série Passe-temps en 2022. Sa nouvelle saga, Maître chez soi, suit le destin de la famille Chevalier dans les années 60.
Date de parution : 22 février 2023
Prix : 26.95$
Nombre de pages : 376 pages
Éditions Hurtubise : https://editionshurtubise.com/
Voici mon appréciation de certains des autres romans du même auteur :
Passe-temps tome 1 : https://lesartsze.com/passe-temps-tome-1-le-temps-et-loubli-rendre-plausible-et-captivant-le-voyage-dans-le-temps/
Passe-temps tome 2 : https://lesartsze.com/passe-temps-tome-2-lavenir-au-passe-voir-lavenir-dans-le-regard-de-1924-unique-et-original/
Génération 70 Tome 1 : https://lesartsze.com/generation-1970-tome-1-une-arrivee-en-ville-une-nouvelle-trilogie-des-plus-prometteuse/
Génération 70 Tome 2 : https://lesartsze.com/generation-1970-swinging-seventies-un-roman-surprenant-sur-lemancipation-et-lechangisme/
Génération 70 tome 3 : https://lesartsze.com/generation-1970-tome-3-seul-ou-avec-les-autres-un-reel-coup-de-coeur-pour-cette-trilogie/