Pour la première fois au Canada, on présente Written on skin, considéré par certains critiques comme l’un des meilleurs opéras du XXIe siècle. L’Opéra de Montréal s’offre aussi une nouvelle production de l’oeuvre de l’Anglais George Benjamin, créée il y a moins de huit ans. Entrevue avec des artistes au coeur de cette ambitieuse aventure montréalaise.
Une légende du Moyen Âge sur l’émancipation
Le livret de Martin Crimp s’inspire d’une légende du XIIe siècle. Un chœur d’anges nous transporte à une époque où chaque livre est un objet précieux écrit sur la peau». Les personnages principaux, qu’on voit sur la photo ci-haut, sont : le «Protecteur», incarné par le baryton-basse Daniel Okulitch qui demande à un artiste de réaliser un livre d’images à sa gloire de riche propriétaire terrien, uni à sa femme obéissante, Agnès (Magali Simard-Galdès, soprano). Mais voilà que ce projet se traduit par la rébellion de l’épouse qui s’éprend de l’artiste en question, le «Garçon» (Luigi Schifano, contre-ténor).
Le metteur en scène, Alain Gauthier, doit donner vie à quinze scènes en une heure et demie. «Certaines scènes ne durent que trois minutes. Nous avons donc un décor assez minimaliste de tourelles sur rails que déplacent les anges eux-mêmes pour nous entraîner dans différents lieux, qu’il s’agisse de la maison du «Protecteur», l’atelier de l’artiste, etc.
Haute couture d’aujourd’hui pour une fable d’autrefois
Le designer de mode Philippe Dubuc a dessiné les costumes des onze chanteurs et figurants de Written on skin. «Même s’il est question de Moyen âge dans l’oeuvre, les vêtements ont une facture contemporaine. Par exemple, pour Agnès, nous avons créé un costume inspiré d’une cage, de type corset en cuir, illustrant qu’elle est sous l’emprise du «Protecteur». Pour ce dernier, nous avons voulu amplifier son caractère dominateur avec un très, très long manteau.» D’ailleurs, à première vue, le «Protecteur» rappelle la silhouette de certains personnages du peintre Jean-Paul Lemieux, dont Le visiteur du soir.
«On se promène entre aujourd’hui, le passé et l’au-delà. À divers moments, on a des personnages tout à fait contemporains, avec, je dirais, des robes et des ensembles très 2020». Le designer qui en est à sa toute première expérience à l’opéra souhaite que ses costumes aident à définir les personnages, mais surtout : «mon but est que les interprètes soient beaux et belles sur la scène et qu’ils se sentent modernes.»
Des instruments inhabituels dans l’orchestre
Comme tous les autres artisans de cette production, la cheffe d’orchestre Nicole Paiement travaille pour la première fois sur Written on skin. «C’est une oeuvre complexe et stratifiée. Par exemple, à un moment il y a vingt-quatre lignes différentes à jouer simultanément pour les violons.» De plus, comme il y a une dimension médiévale, on se retrouve avec des instruments inhabituels à l’opéra, dont la viole de gambe et l’armonica de verre.
«L’action progresse lentement et le point culminant n’arrive qu’à la quatorzième scène, où Agnès va manger le coeur de son amant. On utilise d’ailleurs des pierres, à ce moment et leur friction rappelle le bruit du couteau et de la fourchette dans l’assiette.»
Et quelles seraient les influences du compositeur ? «Moi, j’entends Britten dans les belles lignes vocales de Written on skin. Certaines couleurs de l’oeuvre rappellent Messiaen et on retrouve l’esprit de Stravinski au niveau du rythme. Mais, au bout du compte, pas de doute, on reconnaît la personnalité de George Benjamin.»
Written on skin de George Benjamin
Livret : Martin Crimp
Avec : Magali Simard-Galdès (soprano colorature), Daniel Okulitch (baryton-basse), Luigi Schifano (contre-ténor), ainsi que Florence Bourget (mezzo-soprano) et Jean-Michel Richer (ténor)
Cheffe d’orchestre : Nicole Paiement
Metteur en scène : Alain Gauthier
Costumes : Philippe Dubuc
Décors : Olivier Landreville
Structure: 3 parties – XV scènes
Langue: en anglais avec surtitres français et anglais
Salle Wilfrid-Pelletier
25, 28, 30 janvier à 19h30 et le 2 février à 14h
Première canadienne