Le pianiste italien Maurizio Pollini, 76 ans, entre en scène le pas alerte. Il salue avec élégance les spectateurs de la Maison symphonique bien remplie, sans oublier ceux assis derrière la scène. Le public est attentif, sachant qu’il s’agit d’un visiteur rare. Son précédent concert à Montréal remonte à 2006. Je suis de ceux qui avaient assisté à cet événement à la Salle Claude-Champagne et en comparant le programme Pollini d’il y a douze ans à celui de ce dimanche 15 avril 2018, on note d’emblée la fidélité de l’artiste à Chopin. On sait que c’est après avoir remporté le premier prix du concours international de piano Frédéric-Chopin à Varsovie en 1960 que le musicien s’imposa au début des années 1970, notamment, avec son disque des Études de Chopin, toujours considéré comme un enregistrement de référence.
Passion et fidélité
C’est à cet illustre compositeur que la première partie du concert sera consacrée. Le Prélude en do dièse mineur, suivi de la Bacarolle en fa dièse majeur et nous voici arrivés à la Sonate no 2 en si bémol mineur. Bien sûr, on peut toujours écouter sur disque des interprétations pratiquement parfaites de cette oeuvre célèbre dont la Marche funèbre est particulièrement émouvante. Mais, de voir ce septuagénaire penché sur son piano pour en faire jaillir cette grande musique, avait quelque chose d’édifiant. Si passionné et visiblement encore fasciné par Chopin après plus d’un demi-siècle de carrière ! Fidèle, le musicien l’est aussi à son instrument, puisque, selon les informations fournies par l’OSM, Pollini a joué sur le Steinway Hamburg «qui le suit pour tous ses concerts».
Changement d’époque
Après l’entracte, notre visiteur nous revient toujours enjoué. On passe du 19e au 20e siècle avec Debussy: Préludes, Livre II. Les premiers préludes, Brouillards et Feuilles mortes donnent l’impression de faire écho à cet après-midi pluvieux d’allure plus automnale que printanière. Le pianiste semble tellement en communion avec sa musique qu’on ne peut cesser de le regarder défendre avec tant de vigueur ces morceaux qui culminent avec Feux d’artifice qu’on ne peut allumer qu’au prix d’une grande virtuosité. Bien sûr, on ovationne Pollini et celui-ci saura encore étonner le public en donnant non pas un, mais trois rappels: Scherzo no.3, Nocturne no.21, Études op.28 no.11, tous de Chopin.
Le vénérable visiteur revient saluer devant le halo de lumière entourant son piano et disparaît. Une autre page de l’histoire de la Maison symphonique vient de s’écrire.