À notre splendide Maison Symphonique, ce samedi soir 12 janvier dernier, Alain Lefèvre a offert à l’OSM une salle archi comble, comme de coutume chaque infaillible fois que notre plus prestigieux ensemble lui a enquis de modestement se présenter en tant que pianiste québécois étoile dans le cadre d’un programme musical, quel qu’il soit. Tant mieux pour l’OSM dont les finances revigorées s’en trouvent plus saines encore grâce à cette salle sans un seul siège vide. Alain Lefèvre jouait donc avec l’orchestre l’opus 23 de Tchaïkovsky soit le Concerto pour piano et orchestre si bien connu.
L’animateur de radio si apprécié n’a cependant plus du tout le niveau des meilleurs si je le compare parmi les jeunes gradués sortant des écoles collégiales et ensuite des conservatoires de musique de notre pays enfin ceux se jugeant capables de s’aventurer dans cette partition exigeante. Une franchise de rigueur en critique musicale obligerait à porter un doute interrogatif sur l’état actuel de sa mise en forme digitale: beaucoup questionneront la sobre dextérité suffisante qu’il détiendrait encore pour s’adonner à de telles oeuvres virtuoses ou concertantes requérant une imagination juste, chantante ou fougueuse sans pétulance ni cafouillages techniques au respect des indications de la partition. En somme, pour son Tchaïkovsky une absence de netteté surtout des ratés atterrants et des retards dans sa mise en action lors des cadences et l’orchestre l’accompagnait fort poliment tantôt en retenue tantôt sur le qui-vive.
Le jeune chef invité Nikolaj Szeps-Znaider (plus connu comme violoniste) lui a ensuite fait le coup de le laisser longuement seul sur scène recueillir les vivats inconditionnels d’une foule gagnée d’avance, une foule amoureuse ayant peu de conscience des indications et exigences de la partition sinon peu de conscience des versions acceptables de l’oeuvre même pour un pianiste de niveau moyen. Certes Lefèvre a beaucoup fait pour la promotion de la musique classique, que cela ne soit jamais mis en doute. La carrière de soliste est cependant une affreuse tâche athlétique qui demande du courage et une forme de virtuosité physique sans pareille. La seconde partie du concert de l’OSM dévolue à la musique des compositeurs allemand et viennois, en l’occurrence les Strauss (Richard et Johann), n’a pas réussi à nous faire oublier le mauvais quart d’heure d’un soliste cramoisi d’inconfort après la pétarade de sa prestation surtout l’affront d’un chef revenu in extremis après en avoir été laborieusement prié par tous les musiciens de l’orchestre lui faisant éperdument des signes ou prières d’empathie jusqu’à la la limite de la gêne d’un public débonnaire heureusement inconscient du fait qu’il eût dû en être absolument sidéré.