Du jamais vu dans la carrière de celle qu’on connaît, entre autres, pour son rôle de Marie-Josée Bolduc dans C’est comme ça que je t’aime ou de Charlène Baribeau dans District 31. Voilà que Sophie Desmarais s’apprête à jouer son premier solo au théâtre avec la pièce The One Dollar Story qu’elle ira aussi présenter en France. Entrevue avec une comédienne fébrile.
Faire tomber les masques
«C’est comme si je jouais un concerto pour une actrice», lance madame Desmarais, au sujet du texte du dramaturge français Fabrice Melquiot, créé au Prospero, en ce printemps 2022. The One Dollar Story met en scène une femme qui est au chevet de son père adoptif mourant et qui apprend un secret troublant à propos de ses parents biologiques. Résolue à démêler le vrai du faux quant aux circonstances dans lesquelles elle aurait été abandonnée par ses géniteurs, Jodie Casterman prend la route pour aller à la rencontre des témoins de la fragile idylle dont elle est née.
Ce «one-woman-show» raconte donc l’enquête aux allures de road-trip que va mener Jodie à travers l’Amérique. «C’est un texte dense de 47 pages que je dois défendre seule. Ça donne le vertige ! En fait, mon personnage convoque, en quelque sorte, les fantômes de son existence. Les faits que j’évoque ne se déroulent pas nécessairement en ordre chronologique. Le récit fait appel à différents tons et pour s’assurer qu’on m’entende bien, j’ai un micro, comme ceux des acteurs dans les comédies musicales.»
Collaboration artistique avec une compagnie française
The One Dollar Story voit le jour grâce à une association entre le Groupe de la Veillée et la compagnie française ACT Opus, fondée par Roland Auzet. Leur première collaboration remonte à 2016, avec la présentation au Prospero de la pièce Dans la solitude des champs de coton de Koltès, dirigée par Auzet, metteur en scène et compositeur qui a travaillé avec, entre autres, l’Opéra de Limoges et l’Opéra National de Lyon.
De fil en aiguille, en 2020, les équipes des deux compagnies s’engagaient à créer à distance l’œuvre The One Dollar Story de Fabrice Melquiot. Depuis son bureau de travail à Paris, Auzet dirigeait Desmarais et ses collaborateurs techniques québécois, installés sur la scène principale du théâtre alors piloté par Carmen Jolin.
Heureusement, la levée des mesures sanitaires a récemment permis au metteur en scène de s’amener à Montréal où l’équipe travaille en présentiel depuis quelques semaines. «Disons qu’on avait réussi à monter le squelette du spectacle sur Zoom, mais depuis que Roland est à mes côtés, il a réussi à créer des images avec moi.»
La comédienne précise qu’elle évolue au milieu de projections qui sont des évocations abstraites du voyage. À d’autres moments, elle se filme elle-même. Bref, elle doit être polyvalente et constamment en mouvement : «c’est très sportif comme performance !»
L’orage qui éclaire
Quant à l’auteur, Fabrice Melquiot qui a publié une soixantaine de pièces de théâtre et qui a reçu le Prix Théâtre de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre, en 2008, il ne viendra pas à Montréal pour la création de cette pièce. «Je n’ai pas parlé avec Fabrice, mais nous avons échangé plusieurs courriels et je dois dire que son texte a bougé considérablement depuis le début du processus de création.»
Parmi les temps forts de ce «récit-théâtre intime et poétique», Desmarais cite la phrase de Melquiot : «La meilleure façon de parler de soi, c’est d’écrire un orage», qui semble être l’une des clés du texte. «En effet, notre vrai visage ressort quand il y a un orage, une tempête.» Bref, une vérité intemporelle qu’exprimait déjà Sénèque : «C’est pendant l’orage qu’on connaît le pilote.»
Grâce à cette collaboration franco-québécoise, Sophie Desmarais fera ses débuts sur scène en France, en interprétant The One Dollar Story aux Plateaux savages, à Paris, à l’hiver 2023.
The One Dollar Story
Texte : Fabrice Melquiot / Mise en scène : Roland Auzet
Avec : Sophie Desmarais
Coproduction : Le Groupe de la Veillée et ACT Opus (France)
Au Prospero, du 22 mars au 16 avril