Annoncée en 2018, la création de l’opéra La Reine-garçon prendra l’affiche à la Place des Arts, à compter du 3 février (2024). L’oeuvre est une adaptation de la pièce de théâtre Christine, la reine-garçon, de Michel Marc Bouchard, elle-même inspirée de la vie de la reine Christine de Suède. La musique est de Julien Bilodeau qui est aussi le compositeur de La Beauté du monde, créé à l’Opéra de Montréal, en 2022.
La Reine-garçon réunit huit solistes dont la soprano Joyce El-Khouri dans le rôle-titre et le baryton Étienne Dupuis en Comte Karl Gustav. La mise en scène est d’Angela Konrad. Dans la fosse d’orchestre, l’OSM sera dirigé par Jean-Marie Zeitouni.
À l’approche du grand soir, messieurs Bilodeau et Bouchard se confient sur ce qui les a guidés dans ce projet d’envergure.
Personnage tourmenté
Née à Stockholm en 1626, Christine est l’enfant unique de Gustave II Adolphe, roi de Suède, décédé alors que sa fille n’avait que 6 ans. Négligée par sa mère, elle est élevée à la dure, comme un garçon, selon les chroniqueurs de son époque. On fait aussi état de son homosexualité. Elle refusera de se marier, malgré les pressions de son entourage qui voulait qu’elle donne naissance à un héritier, à la suite de son couronnement, en 1650. Dès l’année suivante, la Reine-garçon envisage son abdication qu’elle annoncera finalement en 1654.
En plus des dépenses exorbitantes de son sacre qui ont contribué à mettre à mal les finances royales, Christine multiplie les décisions controversées et se lasse vite du pouvoir. Plus encore, elle ira jusqu’à commettre la trahison suprême aux yeux de plusieurs de ses contemporains. En effet, cette fille d’un des champions protestants de la guerre de Trente Ans finit par se convertir au catholicisme.
Multiples influences musicales
Comment traduire autant de rebondissements en musique? Julien Bilodeau souligne que dès sa première lecture du livret de La Reine-garçon, il était «évident que cette histoire fonctionne sur une scène lyrique! Alors que La Beauté du monde est un opéra collectif, ici on a vraiment un opéra d’individus, de personnalités. Les personnages sont très bien campés. Leur charge émotive, leur profil psychologique, l’enjeu philosophique que chacun représente… tout cela est bien découpé!»
«Ma musique est extrêmement variée et toujours au service du drame, soit pour supporter l’histoire ou dialoguer avec ce que les mots racontent», précise le musicien.
«Quand j’ai lu le livret, toutes sortes de références me sont venues à l’esprit. C’est ainsi que dans La Reine-garçon, vous entendrez, entre autres, du «kulning», un type de chant scandinave, extrêmement aigu, qui sera interprété par Anne-Marie Beaudette. Il y a aussi des rythmes dansés français durant Le ballet des cerfs. »
D’autre part, le compositeur s’offre une référence à l’oeuvre de Monteverdi, (Le combat de Tancrède et Clorinde), créée à Venise, grande capitale musicale par où était passé l’écrivain René Descartes, avant de se rendre en Suède. Le philosophe français est d’ailleurs l’un des personnages de La Reine-garçon; il est incarné par le ténor québécois Éric Laporte.
«En un mot, j’accueille toutes les références qui m’apparaissent en lien avec le livret, mais le public n’a pas besoin d’identifier toutes ces influences pour apprécier le spectacle.»
Tant pis pour les retardataires!
Pour sa part, Michel Marc Bouchard souligne que la musique vient déterminer avec précision ce qui, au théâtre, est laissé à la discrétion du metteur en scène et des comédiens. «Ici, les couleurs de l’interprétation sont en quelque sorte établies par la partition. Bref, c’est une autre lecture de La Reine-garçon, magnifiée par la musique!»
Soulignant l’ampleur de l’orchestre de 65 musiciens mis à son service, Julien Bilodeau ajoute : « je dirais qu’on est un peu chez Strauss. D’ailleurs, l’opéra Elektra a été une importante source d’inspiration pour moi durant ce travail d’écriture entrepris, il y a environ trois ans.»
Le tandem pique notre curiosité en précisant que tous pourront vite constater la puissance orchestrale de l’oeuvre, puisque l’opéra s’ouvre avec une tempête. «C’est un moment extrêmement fort!», renchérit le compositeur. «Je suis désolé pour les retardataires car ils vont manquer la tempête!», prévient le librettiste.
La Reine-garçon
Musique: Julien Bilodeau / Livret: Michel Marc Bouchard
Distribution:
Joyce El-Khoury : Christine, reine de Suède
Étienne Dupuis : Comte Karl Gustav
Pascale Spinney : Comtesse Ebba Sparre
Daniel Okulitch : Le chancelier Axel Oxenstierna
Isaiah Bell : Comte Johan Oxenstierna
Éric Laporte : René Descartes
Aline Kutan : Marie-Éléonore de Brandebourg
Alain Coulombe : Assistant de Descartes
Chef d’orchestre : Jean-Marie Zeitouni
Orchestre Symphonique de Montréal
Chœur de l’Opéra de Montréal
Mise en scène : Angela Konrad
À la Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts
Coproduction de l’Opéra de Montréal et du Canadian Opera Company
Les 3, 6, 8 février 2024 à 19 h 30 et le dimanche 11 février 2024 à 14 h
*Photo d’accueil : le compositeur Julien Bilodeau et le librettiste Michel Marc Bouchard
Crédit: Marc-Yvan Coulombe