Vous savez, quand la perfection vous fait oublier que vous regardez un spectacle de cirque et que vous plongez les deux pieds dans l’histoire qui vous est racontée… C’est avec un plaisir et une maîtrise de leur art évidente que les artistes de la compagnie les 7 Doigts ont entraîné le public dans leur douce folie Mercredi soir à la Tohu.
Cette histoire est celle de grands-parents : les leurs, les miens, les vôtres… peu importe, cette histoire est universelle, et sert à lier logiquement les différents tableaux qui s’enchaînent à un rythme impressionnant. Les particularités scéniques de « Réversible » sont, sans conteste, la bande-son savamment choisie qui vient sublimer l’ensemble et l’utilisation de trois murs. Entièrement mobiles, à la fois décors, coulisses et espaces de jeu, ils sont manipulés avec une précision chirurgicale par les artistes à tel point que l’on finit par ne plus les percevoir comme des murs, mais comme des… personnages à part entière… oui, vous avez bien lu.
Les huit protagonistes, quatre hommes et quatre femmes, ouvrent le bal avec un numéro à la fois doux et puissant, tendance qui se maintiendra d’ailleurs tout au long du spectacle : des allers-retours marchés, simples qui rapidement se transforment en des enchaînements de sauts au travers des portes, des fenêtres des fameux murs, des portés, des danses, des escalades… on est essoufflé pour eux ! Mais malgré leur rapidité, les gestes demeurent fluides, précis, pas d’anicroches et c’est là où je veux en venir : le niveau technique est fort, mais les mouvements sont élégants, légers, avec en prime de larges sourires jusqu’aux oreilles ! Aucune douleur vous dis-je.
Et c’est ce qui fait l’originalité de cette troupe : on sent que la metteure en scène, Gypsy Snider, a voulu soigner le visuel de chaque numéro ainsi que les transitions, afin que jamais le déroulement de l’histoire ne soit perturbé par l’installation d’un praticable ou par un changement de costume : tout coule de source. Un exemple ? Le mât chinois, pendant lequel les artistes évoluent à la fois sur l’agrès en question et au sol, le tout révélant l’écoute et la complicité entre les artistes.
On en prend plein les yeux : sauts acrobatique, jonglage, roue allemande, trampoline, tissu et corde… numéro au cours duquel d’ailleurs, il m’a semblé que l’emphase était davantage mise sur le tissu que sur la corde…un petit bémol qui n’empêche pas cependant d’apprécier l’exercice. Je reste définitivement impressionnée par cette capacité à monter tout un numéro, original et riche de surcroît, avec des éléments simples, comme…des casquettes. C’est peut-être cela le secret de longévité de la troupe : réinventer et sublimer l’ordinaire.
Le Paradis où reposent désormais grand-papa et grand-maman, symbolisé par un gigantesque drap blanc, conclut le spectacle de bien belle manière : les acrobates empreints d’une douce nostalgie, crapahutent dans ses replis ; tous ont l’air heureux et apaisés… et nous aussi.
Il est coutumier de dire que lorsque cela paraît facile, c’est que le pari est gagné. Le risque est d’oublier la quantité d’heures de travail et l’acharnement nécessaires pour arriver à un tel résultat. Alors, mesdames et messieurs les artistes : un grand bravo pour votre talent, votre persévérance et votre capacité à nous raconter de belles histoires.
Le spectacle « Réversible » est présenté jusqu’au 30 décembre, à la Tohu.
Mise en scène GYPSY SNIDER
Assistante à la mise en scène ISABELLE CHASSÉ
Sur scène DOMINIQUE BOUCHARD, MARIA DELA MAR REYES SAEZ, VINCENT JUTRAS, JÉRÉMI LÉVESQUE, NATHASHA PATTERSON, HUGO RAGELTI, JULIEN SILLIAU, ÉMILIE SILLIAU, EMI VAUTHEY
Durée du spectacle
1 H 35