Maestro Nagano a souligné aux mélomanes qu’ils assistaient à une «soirée historique», en ce 18 février 2020, à la Maison symphonique. D’une part, l’OSM a joué, pour la toute première fois devant public, une oeuvre pour orgue et orchestre commandée au compositeur français Pascal Dusapin. Ce dernier s’est dit honoré que sa pièce soit interprétée par des musiciens de ce calibre. De plus, on a eu droit à «une première dans l’histoire de la civilisation», selon Kent Nagano, avec une section de trois octobasses, cet énorme instrument qui mesure plus de 3,5 mètres de haut !
Influencé par Virginia Woolf
Lors d’un «entretien préconcert», Dusapin, dont le vaste catalogue comprend de la musique de chambre et d’orchestre ainsi que neuf opéras, a révélé que son oeuvre intitulée Waves devait initialement devenir un opéra. Il ajoute que tout ce projet lui a été inspiré par le livre The Waves de Virginia Woolf. La beauté de la description des vagues et des couchers de soleil de l’écrivaine anglaise l’a guidée dans la composition de cette pièce.
À l’écoute, on est captivé, voire, emporté par l’interaction entre l’orgue et l’orchestre qui rappelle, en effet, le mouvement des vagues, ce qui est pratiquement incessant durant 25 minutes. «L’orgue n’est pas en compétition avec l’orchestre» ajoute Dusapin, «l’orgue devient l’orchestre… Les deux s’entrechoquent, se rétractent et s’abattent l’un sur l’autre… jusqu’à se dissimuler l’un à l’autre en confondant leurs volumes harmoniques.»
L’animatrice de l’entretien, Catherine Perrin, qui est elle-même claveciniste, a jeté un coup d’oeil à la partition de Waves et elle souligne avec une pointe d’humour qu’il lui faudrait sans doute trois jours pour déchiffrer trois minutes de cette musique. «Oui, c’est complexe!», confirme l’organiste Latry. Cela va de soi, renchérit le compositeur, qui estime que sa musique doit amener les interprètes à donner le meilleur d’eux-mêmes.
Kent Nagano qui connaît Dusapin depuis les années 80 a lui-même dirigé la première de Waves à Hambourg, le 26 janvier dernier. Rappelons que cette oeuvre est une co-commande de six organismes, dont l’OSM, la Philharmonie de Paris et l’Orchestre de la Suisse Romande.
Trois octobasses qui feront des jaloux ?
Déjà, la première octobasse acquise par l’OSM avait intrigué et fasciné bien des mélomanes. Kent Nagano qui rêvait de «combler un espace de basses fréquences … dans l’orchestre» a tellement apprécié cet instrument qu’il en a commandé deux autres. «Vous voyez, les jumeaux sont arrivés», blague le directeur musical. C’est ainsi que pour la première fois au monde, on a pu écouter, ce mardi soir, une section de trois octobasses, donnant l’équivalent acoustique d’un coussin de velours, à la musique de Berlioz («Chasse royale et orage» / Les Troyens). Le mécène Roger Dubois qui prête ces instruments à l’OSM, prévoit qu’ils feront des jaloux, surtout quand l’orchestre s’en servira durant ses tournées.
Majestueuse «Pastorale»
À ce programme déjà fort consistant est venu s’ajouter, après l’entracte, une interprétation éblouissante de la Symphonie no 6 de Beethoven. Les pages évoquant des danses paysannes furent un enchantement. L’orchestre nous a aussi fait vivre l’arrivée de l’orage avec timbales, piccolos et trombones et l’après-tempête, alors qu’un berger entonne sur sa musette, un chant d’action de grâce. Majestueuse «Pastorale» !
À la mémoire de Jacques Ménard
Ce concert était dédié à la mémoire de Jacques Ménard, membre du comité exécutif de l’OSM et trésorier de l’institution pendant onze saisons. Monsieur Ménard, président de BMO Groupe financier au Québec pendant 17 ans, est décédé le 4 février dernier, à l’âge de 74 ans.
Kent Nagano dirige Dusapin et Beethoven
Berlioz : Chasse royale et orage, extrait des Troyens.
Dusapin : Waves, duo pour orgue et orchestre.
Beethoven : Symphonie n° 6, « Pastorale »
Orchestre symphonique de Montréal, dirigé par Kent Nagano
Olivier Latry : orgue
Maison Symphonique, 18 février; reprise le 20 février 2020
Crédit photo : Antoine Saito
Kent Nagano, Pascal Dusapin et Olivier Latry (première photo)