Écrivaine, artiste peintre , comédienne, Natasha Kanape Fontaine revêt plusieurs rôles et utilise plusieurs médias afin de s’exprimer. Issue de la nation innue, elle vient nous partager sur scène une adaptation théâtrale de son recueil de nouvelles paru en 2016 : Bleuets et abricot aux éditions Mémoire d’encrier.
[masterslider id= »432″]Chérissant sa descendance et se voulant une œuvre exutoire et libératrice, elle nous invite à partager ce moment d’intimité empli d’émotions diverses et chevaleresques. La salle est sombre, nous sommes invités à nous assoir. Une fumée dense mais douce nous enveloppe. De l’encens. Odeur rappelant les épinettes, on se croirait dans une pinède de la toundra si ce n’était de nos yeux. Les gens sont respectueux, discrets et silencieux, comme si l’encens avait donné le ton et imposé le respect.
Un rituel intimiste, lyrique, poétique, et ensorcelant.
Natasha, petite et déterminée, déploie ses premiers mots. Sous les projecteurs diaphanes. Nous sommes quelque peu voyeurs. Nous observons ses gestes précis, sa démarche. J’ai lu son recueil, j’ai fait mes devoirs. Je reconnais le texte, je le laisse me traverser pour une deuxième fois mais avec la voix de Natasha. Elle nous livre son cœur, ses inquiétudes, son parcours ancestral, sa légitimité, sa douleur. Tout est symbolique, des projections de forêts à la mise en scène : le sol est parcouru d’un cercle rouge entouré de symboles donnant un aspect magique et rituel à la performance. Trois œuvres d’art sont disséminées sur les planches dont une nous évoquant la lune, chacune d’elles peintes artistiquement. C’est beau, c’est simple, c’est de la poésie visuelle.
Narratif mais aussi chanté et dansé.
Natasha ne se contente pas de seulement slamer son texte. Elle chante aussi. D’une voix fragile empreinte de sincérité et de force, elle donne un ton parfois hargneux, parfois tremblotant, déterminée à nous faire vivre une expérience inoubliable. Le théâtre est du jeu mais ici on ne joue pas, on vit et respire, on halète, on chagrine, on transperce on donne aux mots leur juste valeur.
Une main tendue vers nous.
Autant ses textes se veulent un cri du cœur et une hargne envers le passé tortueux des nations autochtones du Québec mais aussi du monde entier, Natasha nous invite à vivre avec elle sa perception de la nature. Symboliquement sur scène elle sèmera des grains, les recueillera pour ensuite nous partager le fruit de sa cueillette : des bleuets ! Elle partagera quelques paniers tressés chez les spectateurs afin que nous puissions goûter non seulement son intimité et sa plume, mais aussi ce fruit quasi sacré. Nous avons pu partager ensemble, le temps d’une cueillette une partie de ses souvenirs.
Métaphoriquement, elle nous invite à nous questionner envers l’environnement et l’action de l’homme au moyen de la fable innue de Papakassik(u), le maître des caribous. Ce dieu caribou qui ne répond plus à nos appels. L’homme perdant petit à petit contact avec la nature, sa nature. Et comme elle dit si bien : Pays mien ô. Elle nous fait réfléchir, nous invite à faire qu’un, afin de renouveler notre communion avec le sacré.
J’ai souvent été très ému par la performance et la justesse des textes. Fort heureusement je pourrai continuer à me laisser dériver dans cet univers de beauté, de fragilité et d’ivresse car elle n’en est pas à sa première parution chez son éditeur, Mémoire d’encrier, et d’ailleurs je débute présentement son tout dernier texte, paru au deuxième trimestre de 2018, Nanimissuat : L’île tonnerre.
Tshinashkumitin ! (Merci !)
Photos : Gracieuseté de Godefroy Mosry
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