Platonov, amour haine et angles morts est une traduction d’une pièce écrite par Anton Tchekhov vers l’âge de 18 ans et qui n’a jamais été montée de son vivant. Platonov signifie: ne pas avoir de père. En résumé, la veuve Anna Petrovna (Violette Chauveau) invite un groupe d’amis à sa maison de campagne. Parmi eux, Platonov (Renaud Lacelle-Bourdon) qui, bien que marié à «Sacha» (Debbie Lynch-White), multiplie les aventures et sombre dans le désespoir, entraînant son entourage dans ce précipice.
Malgré le désarroi qui s’empare des personnages souvent égoïstes et narcissiques, leur état de crise est exprimé avec une pointe d’humour, alors qu’ils entrent sporadiquement en convulsion sur des musiques tonitruantes qui ne sont pas sans rappeler celles de partys rave. On reconnaît là le style de la metteure en scène d’origine allemande Angela Konrad, qui aime relire les oeuvres en les mettant au goût du jour et qui s’est d’ailleurs illustrée, notamment, avec une adaptation de la Cerisaie de Tchekhov au Festival TransAmériques, en 2015.
C’est sur un plateau vide qu’évoluent les 8 personnages de cette pièce qui, à l’origine, en comptait 18. L’arrière-scène, où sont projetés à l’occasion des visages des comédiens, est percé d’ouvertures où apparaissent des protagonistes en marge de ce qui se joue sur scène. Ces êtres qui s’ennuient et qui ont soif d’amour se courtisent puis se repoussent et se débattent contre l’ennui de leur vie bourgeoise. Ce thème se décline en différentes variations qui finissent par lasser avant la fin de ce spectacle de deux heures sans entracte.
Pourtant, plusieurs comédiens offrent ici des performances remarquables, en commençant par Renaud Lacelle-Bourdon qui donne tout pour incarner les visages de son Platonov provocateur et ambigu. Soulignons aussi l’élégance et la justesse de Violette Chauveau dont la scène de convulsion au sol s’étire toutefois peut-être un peu trop. Chapeau à Marie-Laurence Moreau en amante passionnée et à Olivier Turcotte en bouleversant mari trompé. Debbie Lynch-White est, elle aussi, crédible et touchante dans son rôle de femme qui veut malgré tout croire en l’amour.
Bref, d’excellents comédiens dans une relecture moderne d’une pièce de Tchekhov qui a failli ne jamais voir le jour.
Platonov, amour haine et angles morts
Mise en scène, adaptation, conception des costumes et de l’espace scénique: Angela Konrad
Avec: Violette Chauveau, Samuël Côté, Pascale Drevillon, Renaud Lacelle-Bourdon, Debbie Lynch-White, Marie-Laurence Moreau, Diane Ouimet et Olivier Turcotte
Traduction: Françoise Morvan, André Markowicz
Conception sonore: Simon Gauthier
Au Théâtre Prospero jusqu’au 15 décembre
Les deux photos sont de Maxime Robert-Lachaîne