Entourée du pianiste et directeur artistique Olivier Godin ainsi que du corniste Simon Poirier, la soprano Magali Simard-Galdès a offert une prestation mémorable au public de la Salle Bourgie le samedi 2 novembre dernier. Le récital réussi s’inscrivait dans le cadre de l’intégrale des lieder de Schubert prévue au fil de l’actuelle et des trois prochaines saisons. Cette salle est sur le point de devenir la plaque tournante des événements musicaux d’originalité et d’intérêt dans l’univers de la musique classique au pays.
Olivier Godin au pianoforte
Des pianofortes d’époque furent utilisés pour l’exécution du programme. Entièrement chanté et mémorisé en langue allemande par Magali Simard-Galdès, elle a fait preuve durant tout ce récital d’une perfection de diction et d’une pénétration de cette culture étayée aussi lors de son allocution explicative au public.
La totalité des textes projetés étaient latéralement traduits en français et en anglais au haut du chœur de l’ancienne église convertie en salle de concert. Olivier Godin accompagna, avec son enthousiasme naturel, la prometteuse chanteuse de même que le jeune mais surtout fort habile corniste Simon Poirier qui déploya, lui, adresse et humour à jouer de ses cors naturels ou à piston, encore des instruments d’époque dont il décrivit avec alacrité le fonctionnement avec ou sans sourdine, avec manœuvres du poignet ou des doigts à appuyer sur les pistons ou à créer des obturations ou occlusions à la circulation de l’air à l’embouchure ou au terme des conduits de ces vibrants cuivres.
Le choix du Graf-Bösendorfer de 2020
La Salle Bourgie est une extension du Musée des Beaux-Arts de Montréal et utiliser ou montrer puis entretenir leurs nombreux instruments de collection, à défaut d’un Musée de la musique au Québec, rentre dans leur mandat.
Un sans doute fort coûteux pianoforte d’imitation Graf et Bösendorfer construit en 2020 par le citoyen du Maine, Rodney Regier, présent au récital d’ailleurs, a servi durant presque tout le récital à l’accompagnement.
Pour l’objectif muséologique de rendre un son à peu près identique à celui qu’on entendait à l’époque de Schubert né en 1797, on comprend. Cependant, à l’exception d’un seul, la plupart des autres compositeurs au programme naquirent environ 20 ans plus tard, de sorte que ce serait le piano Érard de 1859 qui eût dû offrir le son le plus rapproché conforme à la vraisemblance des plus longues existences des autres compositeurs-
Schubert expire à l’âge de 31 ans. Si on exclut les quatre compositions fort modernes de brièveté et d’éloquence succincte du compositeur Sandeep Bhagwati, né en 1963, accouru sur scène recevoir les vivats de la foule, tout était authentiquement d’époque et sans pastiche.
Les progrès vocaux de Magali Simard-Galdès
Entendue de ma part qu’une seule fois au CMIM d’il y a trois ans (j’espère que ça n’en fait pas six, tellement le temps me passe sous le nez à cette vitesse scandaleuse) alors que je m’étais profondément indigné qu’on l’eût écartée des étapes suivantes, Magali Simard-Galdès a désormais une voix de panache franchement opératique sans omettre ce talent inné d’intimité qui m’avait ébloui à son récital.
La puissance, la justesse, le timbre mûri, les riches nuances, la fine mémorisation et sa diction parfaite ont été révélés dans les lieder de Schubert certes, mais à leur absolue plus haute vertu dans les deux derniers chefs-d’oeuvre au programme soit Abenddämmerung (Crépuscule), op. 5 no 1 de WILHELM KLEINECKE (1851–1909) et Les adieux du chasseur de HENRY HUGO PIERSON (1815–1873). Le piano Érard offrit donc enfin, au public pour ces deux ultimes moments du récital, ses authentiques richesses sonores en ses basses jusqu’aux nets aigus. Tout fut de justesse et de pur enchantement.
Magali Simard-Galdès, soprano
Simon Poirier, cors / horns
Olivier Godin, pianoforte* et piano Érard** / fortepiano & Érard piano
Programme
CARL OBERTHÜR (1819–1895)
Die Heimath [Dans mon pays natal / In my Homeland] (s.d.) FERDINAND SIEBER (1822–1895)
Leid und Lust [Douleur et joie / Pain and Pleasure], op. 9 (v. 1853) JOHANNES WENZESLAUS KALLIWODA (1801–1866)
Heimweh [Le mal du pays / Homesickness] (1839) VINCENZ LACHNER (1811–1893)
Waldhornruf [L’appel du cor de chasse / Call of the Hunting Horn] (v. 1842)
FRANZ SCHUBERT (1797–1828) Herbst [Automne / Autumn], D. 945 (1828) Viola, D. 786 (1823)
ENTRACTE / INTERMISSION
FRANZ SCHUBERT
Die Sterne [Les étoiles / The Stars], D. 939 (1828)
Auf dem Strom [Sur la rivière / On the River], D. 943 (1828)
SANDEEP BHAGWATI (1963–)
…Von ferne… [De loin / From Afar] (2024; création, commande de la Salle Bourgie)
« Eine große Landstraß ist unsre Erd »
« Schon wieder bin ich fortgerissen »
« Das Herz ist mir bedrückt, und sehnlich » « Am Himmel jagen hin die Sterne »
WILHELM KLEINECKE (1851–1909)
Abenddämmerung [Crépuscule / Dusk], op. 5 no 1 (v. 1894)
HENRY HUGO PIERSON (1815–1873)
Jägers Abschied [Les adieux du chasseur / The Hunter’s Farewell] (s.d.)