« Je ne vis pas pour moi-même mais pour les générations à venir » : ce sont ces mots de Van Gogh qui chaperonnent l’expérience immersive « Van Gogh – Distorsion » en première mondiale au Palais des Congrès de Montréal, minutieusement concoctée par Oasis immersion, Normal Studio et Paquin Entertainment.
L’intemporalité et la transcendance spatio-temporelle qui caractérisent l’expérience sont à peine cachés dans cette citation et soulignent d’entrée de jeu l’important rôle des mots durant cette immersion. Construits par les sauts et torsions de la plume et de la ligne, les mots capturent les pensées de Vincent – comme l’appelle affectueusement la direction artistique de l’exposition – et constituent le fils conducteur de cette expérience en 3 paragraphes.
Le pouvoir de la ligne
Dans la galerie 1, le pouvoir de la ligne, précise, ondulée et délibérée, engendre parfois des missives personnelles de Vincent Van Gogh à son frère, Théo Van Gogh. D’autres fois, la ligne s’interrompt, bifurque, se dédouble et s’entrecroise pour créer des croquis de paysages champêtres.
Sous toutes ces formes, en noir et blanc, les lignes s’inscrivent sur le corps du public, lui offrant l’opportunité de voyager dans l’espace et le temps afin de plonger dans la vision de Van Gogh, de tenir la plume avec lui et d’admirer à ses côtés les paysages qui apaisent son spleen.
Le jeu d’ombres et lumières suit son cours, berçant l’audience dans un courant de mots qui trouvent leur écho dans la bande sonore et le sort en est jeté : le public est intrigué, curieux d’en apprendre plus sur la personne derrière l’artiste.
Le corridor menant à la seconde galerie est orné d’encadrés portant sur l’approche artistique de Van Gogh. À chaque pas posé, les sources d’inspiration et leurs interprétations dans le monde de Van Gogh sont démystifiées ou remises en avant afin de pouvoir, une fois de plus, percevoir la personne à travers de son art.
Le ballet des couleurs
Dans la seconde galerie, un rébus attend l’audience: et si Van Gogh était un artiste multimédia de nos jours, à quoi ressembleraient ses créations? Le génie d’une telle question est que la réponse ne peut qu’être unique à la personne qui vit l’expérience. Dans ce deuxième espace incluant un plancher interactif, Normal Studio nous invite encore une fois à plonger dans le trait, dans la ligne, dans l’espace qui se perd lorsqu’elles se joignent et dans celui qui se crée lorsqu’elles se distancient l’une de l’autre. C’est de la sorte que le mouvement naît autour de l’audience dans une séquence de couleurs.
Le ballet de bleus et violets sombres ponctués de points de lumière est suivi de jaunes successivement pâles, riches puis aveuglants qui font eux-mêmes place à une autre palette de couleurs sombres. La composition originale de Rémy Sealy, elle aussi, joue entre des valeurs opposées, des aigus et des graves. Dans cette galerie, l’audience est amenée à voyager entre le jour et la nuit, la ligne et le vide, l’abstrait et le concret, une symphonie de contrastes d’où naît la vie elle-même.
Le tourbillon des pétales
La troisième et dernière galerie est une galerie panorama où plusieurs tableaux de Van Gogh attendent l’audience pour prendre vie. Les fleurs éclosent sous les yeux et sous les pas du public, l’immergeant dans un tourbillon de pétales. Où commence et où finit le tableau? Sommes-nous constamment entouré.e.s d’art ou portons-nous en nous des chefs d’œuvres latents? Telles sont les questions qui pourraient venir à l’esprit de la personne qui s’autorise à se perdre, se découvrir et se repenser tout au long de l’expérience immersive. En effet, à mesure que l’audience en apprend sur Van Gogh, la personne et l’artiste, l’audience est aussi conviée à défier toute limite spatiale et temporelle pour ne faire plus qu’un avec les tableaux et laisser l’art résonner jusqu’au plus profonde crevasse de son âme.
Ayant déjà démontré l’intemporalité de la ligne, des mots et de la vie elle-même, dans cette dernière galerie l’exposition va plus loin et crée un dialogue émouvant entre Miles Davis et Van Gogh. Cette rencontre imaginée et pourtant cohérente à plusieurs niveaux, fera se demander à plusieurs si la distorsion ne serait pas après tout le véritable visage de l’art, libéré des chaînes des limites imposées.
« Je ne vis pas pour moi-même mais pour les générations à venir » sont les mots qui ouvrent cette exposition et les mots qui peut-être – sûrement – sèmeront des graines de réflexion chez l’audience, lui rappelant que toutes et tous, portons dans nos blessures et idiosyncrasies, des pièces d’art en devenir qui défient toute logique et limite.
Van Gogh – Distortion
225 tableaux, croquis et esquisses
Durée approximative de 65 minutes.
Billets à date et heure fixe
À noter que les billets sont gratuits pour les enfants de 5 ans et moins lorsqu’accompagnés d’un adulte.
Palais des Congrès
28 avril 2022