Votre nom pourrait-il devenir un jour le titre d’une pièce dramatique comme Les Hardings? Chose certaine, chacun prend des décisions qui combinées au hasard peuvent tout chambarder.
Nous avons tous vu des images terrifiantes de la tragédie de Lac-Mégantic où 47 personnes ont péri dans la nuit du 6 juillet 2013, lors du déraillement d’un train de la Montreal, Maine & Atlantic, transportant du pétrole. Arrêté quelques mois après le drame, le conducteur du train Thomas Harding a finalement été déclaré non coupable, l’hiver dernier. Pour l’auteure, Alexia Bürger, l’élément déclencheur a été son indignation de voir qu’on tentait de faire porter le blâme au cheminot, sans trop chercher à comprendre la part de responsabilité d’autres entités impliquées, dont la MMA.
Les nombreuses questions que soulèvent ce texte écrit clairement sont ancrées dans l’émotion. On ira dans la chambre d’hôtel où Harding (Bruno Marcil) a entendu l’énorme explosion qui allait tuer tant de Méganticois. Abasourdi, le conducteur qui avait laissé son train à Nantes, à quelques kilomètres de Lac-Mégantic, n’arrive pas à croire ce qu’il voit ! Avait-il correctement appliqué les freins ? Les pompiers qui ont dû combattre un incendie à bord d’une locomotive y sont-ils pour quelque chose? Le travailleur explique ses contraintes et on se demande ce qu’on aurait fait à sa place.
Les multiples facettes de la responsabilité
Sommes-nous tous des Thomas Harding en puissance, semble demander l’auteure, qui introduit un dialogue avec deux autres personnages basés sur autant de Thomas Harding réels. L’un d’eux est britannique et vit péniblement le deuil de son fils, cycliste passionné, mort happé par un véhicule. Cet homme tourmenté (Patrice Dubois) se sent coupable d’avoir laissé son ado assembler lui-même sa bicyclette qui aurait eu un problème… de frein. Un autre père aurait-il accordé pareille permission se demande-t-il.
Enfin, c’est le personnage d’assureur américain joué par Martin Drainville qui arrive à égayer cet univers avec des propos qui n’en demeurent pas moins troublants. L’homme explique qu’il s’est taillé une place en trouvant des astuces permettant de refuser des dédommagements aux assurés. Chiffrant la valeur même d’une vie, l’homme incite d’ailleurs le spectateur à se pencher lui-même sur sa valeur. Par exemple, dit-il, si vous allez à moto, cela indique votre inclinaison à risquer votre vie; attendez-vous donc à payer cher pour une assurance.
Cette rencontre fictive de trois hommes qui portent le même nom est ponctuée de musiques de Philippe Brault et Nicolas Basque inspirées de «train songs» dont la très belle «This train» popularisée par Sister Rosetta Tharpe. Le saisissant décor métallique de Simon Guilbault peut évoquer un wagon éclaté et donne l’impression d’être aspirés vers un trou noir.
Bürger qui s’intéresse avec intelligence et délicatesse à ces trois personnages masculins sans les juger, signe aussi la mise en scène du spectacle qui atteint un sommet d’émotion lorsque le Harding québécois reconnaît sa lourde part de responsabilité en nommant un à un les prénoms des 47 victimes.
Les Hardings, au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 5 mai.
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