James Hyndman se dépasse dans cette adaptation de «Scènes de la vie conjugale» du Suédois Ingmar Bergman. L’artiste québécois né en Allemagne a su cerner en un peu plus d’une heure et demie, l’essentiel du film paru en 1974 et qui durait plus de 2 heures et demie, alors que la série télévisée, diffusée en 1973, totalisait 5 heures. Cela dit, les disputes et réconciliations de Marianne (Evelyne de la Chenelière) et Johan (James Hyndman) s’échelonnent sur deux décennies et on a trouvé une façon ingénieuse d’évoquer le temps qui passe. Entre les différents tableaux de la pièce, des caméras captent les gestes des deux comédiens en coulisses et les projettent sur le mur qui compose le fond du décor. Le public épie ainsi l’intimité du couple qui se déshabille et se rhabille au quotidien. Ces séquences, peut-être parfois un peu trop longues, aident à laisser respirer ce texte dense et sombre, selon lequel: «dans le domaine du sentiment, nous sommes tous des analphabètes»
Sous les mots
Hyndman est aussi très convaincant en Johan qui quitte sa femme, parce qu’il n’en peut plus de leur vie où tout est, en quelque sorte, soumis à l’approbation de la belle-mère, la belle-soeur, etc. L’homme étouffe et on le sent dans le ton et le geste. Bien avant qu’il annonce son départ à Marianne, on perçoit son insatisfaction de vivre un amour qui se résume souvent à de la tendresse. Plus tard, il reprochera à sa conjointe d’avoir monnayé la sexualité, ce qu’elle reconnaîtra, d’ailleurs. De son côté, de la Chenelière est crédible en épouse qui plaide en faveur de la communication, mais refuse d’entendre les points de vue qui ne concordent pas avec les siens. Paradoxale, elle répète avoir «tellement de tendresse» pour son mari et se réjouit pourtant de le voir brisé après son aventure extra-conjugale.
Un peu d’espoir
Malgré tout, les deux protagonistes donnent l’impression d’avoir évolué durant ce condensé théâtral. Marianne a refait sa vie et est devenue plus sereine. Johan dit avoir accepté ses limites avec une certaine humilité. À la fin, ils semblent plus en paix que jamais, alors que des eaux paisibles apparaissent en toile de fond. Puis, le texte finement ciselé ne décide rien à la place du spectateur qui quitte en se demandant s’il s’agit d’une histoire de séparation, ou plutôt d’un amour dépouillé de ses illusions.
Scènes de la vie conjugale
Texte : Ingmar Bergman
Adaptation et mise en scène : James Hyndman
Avec : Evelyne de la Chenelière et James Hyndman
Au Théâtre de Quat’Sous, jusqu’au 8 mai
Photo de Yanick Macdonald, fournie par le Théâtre de Quat’Sous