Que les coeurs sensibles et tous les autres soient prévenus : le spectacle de Steven Cohen, à l’affiche au Festival TransAmériques, se situe dans un registre émotionnel extrême ! Le chorégraphe, né à Johannesbourg en 1962, prend les grands moyens pour exprimer la douleur causée par la mort de son amoureux, Elu, après une vingtaine d’années de vie commune.
Le spectacle commence par une scène filmée où l’on grave sous la plante d’un pied du performeur, les mots : «Put your heart under your feet… and walk». C’est la phrase que sa nounou lui a lancée, pour l’aider à entreprendre son deuil, après le décès de l’être aimé. Cohen en a déduit que, pour ne pas se laisser écraser par le chagrin, la meilleure chose à faire est sans doute de rester en mouvement et de marcher, malgré les obstacles. Il entre donc en scène en marchant laborieusement; juché sur de très hauts talons et muni de longues béquilles, il se fraie un chemin à travers des dizaines de chaussons de ballet. Ces derniers évoquent, selon Cohen, les ressemblances entre le parcours d’Elu et celui de Billy Elliott qui a choisi de devenir danseur de ballet, malgré toute l’humiliation que cela impliquait dans les milieux conservateurs d’Afrique du Sud.
Regarder la mort en face
On présente ensuite une longue séquence filmée d’une dizaine de minutes, où on voit le performeur en tutu dans un abattoir, déambulant à travers les carcasses d’animaux. Il va jusqu’à se coucher sous une vache qui se vide de son sang sur lui, au son des gémissements d’animaux qu’on abat. Des images si pénibles qu’on se prend à se contorsionner sur son siège. L’artiste estime, d’une part, qu’il s’agit là d’une représentation de la mort, évoquant plus précisément l’hémorragie qui a emporté son amoureux. Cohen, provocateur, veut aussi dénoncer la violence envers les animaux et souhaite que l’inconfort que l’on ressent face à cette terrifiante vidéo ressurgisse devant un comptoir de viande au super marché.
Deuil extrême
Pour symboliser la brièveté de la vie, le quinquagénaire arbore jusqu’à la fin, un masque du papillon de nuit nommé Atlas qui ne vit que quelques jours. Enfin, Cohen avale une cuillerée de ce qui serait les cendres du défunt, pour intégrer la mort de l’être aimé dans sa vie qui continue, explique-t-il en anglais. Après avoir disparu momentanément dans la fumée qui envahit la scène et même une bonne partie de la salle, l’homme éploré se retire définitivement, emportant avec lui le contenant de cendres.
Férocement beau ! Des scènes d’une puissance inouïe, à la mesure de la douleur que peut engendrer la mort d’un être cher.
Put your heart under your feet… and walk
Conception et interprétation : Steven Cohen
À l’Usine C, jusqu’au 29 mai
(Photos du spectacle «Put your heart under your feet… and walk», fournies par le FTA)